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Guerre en Ukraine : Lviv, ville refuge

Les portes du train s’ouvrent sur ceux qui ont quitté Kiev, capitale attaquée et bombardée depuis le premier jour de l’invasion russe, le 24 février. Les familles et les compagnons d’exode traînent leurs valises vers les élégantes salles de la gare centrale de Lviv ou sur son parvis. Là-bas, des groupes se réchauffent les mains au-dessus de hauts bidons faisant office de braseros tandis que d’autres, figés, ont les yeux rivés sur leurs téléphones. La grande ville de l’ouest de l’Ukraine est épargnée par la guerre, alors ceux qui la fuient s’y précipitent.

« On aide les réfugiés qui arrivent », commente sobrement Radislav derrière la table en bois d’où il sert des bols de soupes à ceux qui patientent dans une longue file. « Beaucoup de ces gens pensent rester à Lviv. Mais il y a aussi des femmes, des enfants, des gens qui ne se sentent pas en sécurité et qui vont plus loin, en Europe », enchaîne le jeune homme qui parle au passé de son emploi dans le secteur des hautes technologies. Depuis quelques jours, il fait partie des nombreux bénévoles de cette gare vers laquelle convergent des trains de réfugiés en provenance de toute l’Ukraine. Lui ne pense pas à partir. D’ailleurs, il ne peut pas. La mobilisation générale lancée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky au lendemain de l’offensive russe interdit aux hommes de 18 à 60 ans de quitter le territoire.

« Nous les aidons aussi à trouver un endroit où dormir à Lviv ou pour qu’ils puissent aller à la frontière », explique un autre volontaire, Sacha Ignatov, en désignant du menton la gare routière et ses quelques bus à destination des pays de l’Ouest. En huit jours, un million de personnes ont fui le pays selon l’ONU, en majorité pour la Pologne, à 70 km, ou pour la Roumanie et la Moldavie. L’épouse et les deux enfants de cet ingénieur en téléphonie se sont exilés en Allemagne. « Moi je reste là, affirme-t-il de manière ferme. L’armée m’a appelé. J’attends d’être mobilisé pour défendre mon pays. »

Couvre-feu

Une certaine tension règne dans les rues du centre de Lviv. La capitale de l’Ukraine occidentale est encore épargnée mais elle attend son sort, incertaine. De plus en plus de soldats patrouillent armés, les entrées des bâtiments officiels ont été en partie protégées avec des sacs de sable. Devant les bureaux de recrutements pour la défense territoriale, une branche de l’armée ukrainienne constituée d’engagés volontaires, des groupes d’hommes remplissent les formulaires d’inscription. Un couvre-feu a été instauré de 22 heures à 6 heures du matin.

Les manifestations de la guerre qui fait rage dans l’est et dans l’ouest du pays depuis huit jours proviennent essentiellement de la présence et des témoignages de milliers de réfugiés. « C’est terrifiant », lâche Vassia Babii, les mains sur le comptoir de son restaurant mexicain, dans le centre-ville. « Ces gens arrivent sans argent, sans appartement… La journée, ils marchent dans la ville et le soir, ils dorment dans des centres ouverts par des bénévoles. Ces endroits sont bondés… » L’homme d’une vingtaine d’années accueille une famille dans le deuxième appartement qu’il possède à Lviv. Ces six personnes ont fui les bombardements de Kharkiv, à l’est.

Pour soutenir l’effort collectif, lui et son équipe cuisinent une cinquantaine de plats qu’ils vont quotidiennement livrer à une des organisations de bénévoles qui aident les exilés. « Ils m’ont demandé de les aider car ils n’ont pas le temps de se nourrir », explique-t-il. Depuis le début de la guerre, huit jours plus tôt, beaucoup de ses proches se sont engagés dans la défense territoriale, notamment à Ivano-Frankivsk, au sud. Il a récemment demandé à son meilleur ami, un médecin habitant dans la périphérie est de Kiev, à Brovary, s’il comptait le rejoindre à Lviv. « Il m’a dit non, qu’il restait dans sa ville avec sa copine », souffle-t-il. Lui non plus ne pense pas quitter la ville si les forces russes devaient s’attaquer à la région. « C’est ma ville, mon entreprise, je ne peux pas partir. »

Les ambassades s’y sont relocalisées

Plus loin dans le centre, un petit groupe observe un tableau en bois sur lequel sont affichés des informations et des flashcodes permettant de s’inscrire comme bénévoles au Palais des Arts. À l’intérieur du bâtiment, épicentre de la mobilisation civile de Lviv, des volontaires préparent des colis de nourriture à destination des villes touchées par le conflit. « On envoie tout ça à Kharkiv, Sumy, Kherson, Kiev », égrène Igor qui, posté devant l’entrée, est responsable de la sécurité. « Beaucoup de pays nous envoient des choses pour nous battre, des vêtements et des produits. » Devant les grilles d’où partent les vans, des grappes d’habitants viennent déposer des boîtes de conserve et des vêtements.

La ville de l’ouest est aussi le refuge de plusieurs représentations diplomatiques. L’ambassade des Etats-Unis a été la première à franchir le pas, dix jours avant le conflit. Les équipes se sont depuis réinstallées hors du pays, en Pologne. Mais d’autres pays occidentaux, notamment la France et l’Italie, se sont récemment relocalisés dans la ville en raison des combats ayant lieu dans la capitale. Devant l’Alliance française de Lviv, des hommes du GIGN chargés de veiller sur l’ambassadeur Etienne de Poncins s’assurent de la sécurité des lieux. Après avoir pris la décision de rester à Kiev malgré la guerre, la représentation diplomatique a été obligée de quitter la capitale en raison des combats, lundi 28 février. Le consulat français, à dix minutes à pied, reste aussi ouvert pour aider les ressortissants à quitter le pays.

En ce qui concerne l’ambassade italienne, partie de la capitale mardi 2 mars, ses équipes dorment pour l’instant dans un hôtel de Lviv en attendant de « trouver un lieu pour travailler », explique au Monde le consul, Frederico Nicolaci. « Nous attendons de voir ce que l’on peut faire pour porter assistance aux Italiens. C’est important le marquer la présence italienne dans le pays dans un moment comme celui-ci. »

Le Monde

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