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Vive controverse entre l’IMA et l’intelligentsia arabe à propos de l’exposition « Juifs d’Orient »

Le président français, Emmanuel Macron, lors de la visite de l’exposition « Juifs d’Orient », conçue par l’historien Benjamin Stora (à gauche), à l’Institut du monde arabe (Paris, 5e), le 22 novembre 2021. YOAN VALAT/AFP

Le fier bâtiment qui abrite depuis 1987 l’Institut du monde arabe (IMA), dans le 5e arrondissement de Paris, célèbre pour sa façade en moucharabieh, a essuyé de nombreuses tempêtes. Mais la crise qu’affronte aujourd’hui ce haut lieu de la culture arabe en France est d’un genre inédit.

Dans une lettre ouverte à l’IMA, qui circule sur Internet depuis le 6 décembre, plus de deux cents membres de l’intelligentsia du Maghreb et du Machrek, dont certains acclamés mondialement, comme le romancier libanais Elias Khoury, le cinéaste palestinien Elia Suleiman et le musicien tunisien Anouar Brahem, s’alarment de « signes explicites de normalisation » avec Israël.

Les signataires reprochent à l’Institut de tenter de présenter l’Etat hébreu « comme un Etat normal », rappelant que deux récents rapports, signés des organisations de défense des droits humains B’Tselem et Human Rights Watch, ont qualifié d’« apartheid » le régime en vigueur en Israël et dans les territoires occupés palestiniens. Paradoxe terriblement cruel : l’IMA se retrouve mis en cause par ceux-là mêmes dont il fait rayonner le travail depuis bientôt trente-cinq ans.

Le procès fait à l’Institut repose sur une déclaration de son président, l’ancien ministre de la culture Jack Lang, et sur des éléments liés à l’exposition « Juifs d’Orient », inaugurée le 24 novembre dans ses murs. Cette grande première, conçue par l’historien Benjamin Stora, retrace l’histoire plurimillénaire des communautés juives en terre arabo-musulmane et célèbre leur apport à la culture de cette région, tout en abordant, à tâtons, les sujets qui fâchent : le départ des juifs du monde arabe, à la suite de la création d’Israël en 1948, et l’expulsion concomitante des Palestiniens, durant la Nakba (leur exil forcé).

Six emprunts à Israël

Cette exposition survient alors que, en 2020, quatre Etats arabes – les Emirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan – ont normalisé leurs relations avec Israël, dans le cadre des accords d’Abraham, au grand dam des dirigeants palestiniens qui ont crié à la trahison. En janvier, dans une interview à l’Agence de presse marocaine (MAP), Jack Lang s’était félicité de l’accord signé par Rabat, affirmant que des quatre traités, celui signé par les Marocains était le seul à ne pas sacrifier les Palestiniens. La déclaration avait suscité des remous jusqu’au sein de l’IMA.

Puis fin novembre, le mouvement Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS), la réponse de la société civile palestinienne au naufrage du processus de paix, à l’étranglement de la Cisjordanie et de la bande de Gaza et à l’inaction des capitales occidentales, s’est ému de la participation d’une chanteuse israélienne d’origine marocaine, Neta Elkayam, à un festival de musique organisé par l’IMA, en parallèle de l’exposition « Juifs d’Orient ». En application de ses règles, qui proscrivent les contacts avec des Israéliens n’ayant pas pris position publiquement contre l’occupation, l’apartheid, et pour le retour des réfugiés, le BDS a incité les artistes arabes participant à ce festival à s’en retirer.

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