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Un an après la quasi-interdiction de l’IVG en Pologne, « l’avortement sans frontières » prospère

Afin de marquer le premier anniversaire de la loi anti-avortement, des manifestants se sont réunis pour réclamer le rétablissement du droit à l’avortement, à Varsovie, le 22 octobre 2021. JANEK SKARZYNSKI / AFP

LETTRE DE VARSOVIE

En se promenant dans les rues des villes polonaises, il n’est pas rare d’apercevoir, sur un banc, un arrêt de bus ou un parcmètre, des autocollants avec la mention suivante : « Tu as besoin d’avorter ? Appelle le numéro… » D’un humour amer, ces autocollants affichent souvent une photographie peu flatteuse de l’égérie de la lutte anti-avortement en Pologne, la jeune fondamentaliste catholique Kaja Godek. Signe qu’un an après que le Tribunal constitutionnel polonais a rendu l’interruption volontaire de grossesse quasi illégale, les réseaux parallèles d’entraide entre femmes sont en plein essor.

Le 21 octobre 2020, la plus haute instance juridique du pays, étroitement contrôlée par la majorité nationale conservatrice du parti PiS (Droit et justice), jugeait inconstitutionnel l’avortement pour malformation du fœtus. Dans un pays où la législation concernant l’IVG était déjà une des plus restrictives d’Europe, ce critère concernait plus de 95 % des 1 000 avortements légaux pratiqués chaque année. Cette décision avait entraîné un mouvement de protestation d’une ampleur inédite dans tout le pays.

Un an plus tard, les associations d’aide aux femmes sont débordées. En un an, la Fédération pour les femmes et le planning familial, pionnière dans la lutte pour les droits des femmes en Pologne, a répondu à près de 8 100 appels téléphoniques et à plus de 5 000 courriels. C’est trois fois plus que les années précédentes. « Nos interlocutrices sont souvent dans un état de profonde détresse psychique, souligne Krystyna Kacpura, la présidente de la Federa. Elles ne savent pas quoi faire. La nouvelle législation a porté un coup à la médecine prénatale. Il arrive que les examens soient prescrits trop tard et les médecins sont dans un dilemme éthique permanent. »

Multiplication des réseaux informels d’entraide

Pour contourner ce mur, les réseaux informels d’entraide à l’avortement se sont multipliés, et les ONG féministes n’ont jamais été autant sollicitées. Particulièrement actives, les « tantes », des bénévoles polonaises habitant dans les pays voisins, aident les femmes qui souhaitent se rendre à l’étranger pour avorter. C’est le cas de « Ciocia Czesia » (« tante Czesia ») pour la République tchèque, « Ciocia Basia » pour l’Allemagne et « Ciocia Wienia » pour l’Autriche.

A elles seules, les « tantes » ont aidé cette année près d’un millier de femmes à avorter. La République tchèque est une destination particulièrement prisée, en raison du coût relativement modéré des interventions : 2 000 zlotys (420 euros) en moyenne. « Notre aide consiste à fournir un maximum d’informations fiables, explique Marta Machalowska, du réseau “Ciocia Czesia”. Nous tenons surtout à empêcher les femmes de recourir aux filières de l’industrie abortive, peu scrupuleuses et malhonnêtes. Nous avons nos listes de cliniques et d’hôpitaux de confiance. »

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