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Inquiétudes autour d’un accord UE-Qatar dans le secteur aérien

« Incompréhensible », « néfaste », « déséquilibré »: l’accord de libre-échange signé lundi entre l’Union européenne et le Qatar pour le transport aérien suscite la colère des acteurs du secteur en France, qui craignent une concurrence déloyale avec Qatar Airways, la compagnie étatique de l’émirat.

Cet accord est « néfaste pour l’ensemble du transport aérien en Europe », affirme Zaïnil Nizaraly, secrétaire de la fédération transport chez FO. « On a le Qatar qui a trois millions d’habitants d’un côté et de l’autre, on a le marché européen qui est immense », détaille-t-il, s’étonnant du déséquilibre de l’accord.

Cet accord est « mauvais », « totalement déséquilibré », a déclaré jeudi à l’AFP Alain Battisti, président de la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (Fnam). Cette principale fédération française du transport aérien « demande au gouvernement français de ne pas le ratifier et de ne pas l’appliquer ».

De même qu’une centaine de salariés d’Air France, rassemblés jeudi à l’appel de la majorité des syndicats devant le ministère des Transports où une délégation devait être reçue.

Entré en vigueur sans attendre la ratification interne des 27 États membres, l’accord prévoit une ouverture du ciel européen quasiment illimitée pour Qatar Airways.

« Qatar Airways va pouvoir drainer tous les passagers européens sur son hub de Doha », prévient Christophe Malloggi, délégué FO chez Air France.

Bien sûr, la réciproque s’applique mais « aucune compagnie européenne n’a intérêt à augmenter ses capacités au Qatar, nous n’avons rien à faire là-bas », s’étonne Guillaume Schmid, du syndicat de pilote SNPL d’Air France. L’émirat, de taille réduite, n’a pas de marché aérien intérieur susceptible d’être exploité par les compagnies européennes, confirme M. Battisti.

– Inquiétude sur le fret –

Cet accord octroie en plus à Qatar Airways un accès au marché du fret, lequel a pris, depuis le début de la pandémie de Covid-19, une importance considérable pour les compagnies.

S’il représentait environ 15% de leurs recettes avant, il pèse désormais près de 30% et « les perspectives sont solides », selon l’Association internationale du transport aérien (Iata).

La direction d’Air France-KLM a elle aussi dit « regretter la signature de cet accord qui est de nature à renforcer significativement la situation concurrentielle au départ de la France et des Pays-Bas, à un moment où la crise du Covid impacte toujours fortement son activité ».

Le Qatar, richissime émirat connu surtout pour ses réserves en gaz et ses ambitions illimitées dans le monde du sport-business, est régulièrement vilipendé par les organisations de défense des droits humains, en particulier à l’approche de la Coupe du monde de football qui doit s’y tenir fin 2022.

Il est aussi devenu un médiateur clé dans la crise afghane, après avoir accueilli pendant des années les pourparlers entre les talibans et les États-Unis.

– « Pari risqué » –

Les inquiétudes des acteurs du secteur ont été balayées par l’UE pour qui cet accord de libre échange, le premier du genre avec un pays du Golfe, permettra de favoriser « une concurrence libre et non faussée », ainsi que davantage « de protection sociale et environnementale ».

« Il est maintenant important que les accords sur la concurrence loyale contenus dans l’accord soient appliqués. L’UE devrait utiliser de futurs accords aériens pour établir une réciprocité contraignante, surtout sur les questions de concurrence, mais aussi sur les normes environnementales et sociales », a commenté un porte-parole de Lufthansa, interrogé par l’AFP.

Qatar Airways devra par exemple publier régulièrement ses comptes, selon des normes internationales, et ce afin d’éviter le versement d’aides illimitées de la part de l’émirat qatari qui créeraient une distorsion de concurrence.

Un volet social est également prévu pour inciter Qatar Airways à améliorer son modèle, « très éloigné des standards européens », selon M. Schmid. Mais « les contreparties ne sont pas claires, les objectifs sont flous et les voies de recours aussi », déplore-t-il.

Pour le SNPL, il s’agit d’un « pari risqué » avec une compagnie « ayant toujours fait preuve de beaucoup d’opacité ».

Le 22 septembre, le ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari avait laissé entendre que la France pourrait ne pas le ratifier si elle le jugeait déséquilibré.

Mais mercredi, son entourage se contentait de dire qu’il veillerait à ce que « sa mise en œuvre se fasse de manière équilibrée et dans le respect des clauses économiques, sociales et environnementales qui y figurent ».

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