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Quand le biélorusse devient la « langue de l’opposition »

Lors d’un rassemblement anti-Loukachenko devant l’ambassade biélorusse à Varsovie, en Pologne, le 8 août 2021. WOJTEK RADWANSKI / AFP

C’est un autre aspect de la répression menée par le régime d’Alexandre Loukachenko contre le mouvement de contestation en Biélorussie. Celui de la destruction systématique des organisations qui défendent la culture et la langue biélorusses. Ces derniers mois, ces structures – opposées au président, un nostalgique de l’Union soviétique qui n’a cessé de marginaliser la seconde langue officielle du pays depuis son arrivée au pouvoir, en 1994 – sont liquidées les unes après les autres. Parmi les principales, figurent la Société de la langue biélorusse, créée en 1921 et qui avait survécu à la vague de russification du pays au cours de la période soviétique, l’Union des écrivains biélorusses, fondée dans les années 1930, ou encore Talaka, qui défendait les symboles et rituels folkloriques de cette Biélorussie construite sur des influences européennes.

La répression s’étend aussi aux personnes parlant biélorusse dans l’espace public, parmi lesquelles les arrestations se multiplient. Dernier épisode en date, le 27 septembre, Andreï Kolas, enseignant en histoire biélorusse de la petite école de langue de Volkovysk, dans l’ouest du pays, a été condamné à dix jours de prison au prétexte d’une vidéo « extrémiste » publiée en 2018 sur les réseaux sociaux. L’homme était l’un des derniers professeurs de l’établissement à avoir fait le choix de rester dans le pays. Pour la cofondatrice de l’école de langue Mova Nanova, qui gérait plusieurs antennes comme celles de Volkovysk à travers le pays, la fermeture de sa structure cet été, et celle des autres organisations défendant la culture biélorusse, est due au fait qu’elles « protège[nt] l’identité biélorusse et pas l’identité russe. Malheureusement, beaucoup, parmi les autorités, défendent une autre vision. Ça se voit d’autant plus aujourd’hui ».

« La langue se politise »

Selon Alex Kokcharov, analyste du risque politique dans les pays de l’Est, la répression visant la langue biélorusse est survenue après la vague de manifestations qui ont secoué le pays lors de la réélection frauduleuse d’Alexandre Loukachenko, en août 2020. Ces rassemblements, dans lesquels les manifestants ont chanté en biélorusse, porté des chemises traditionnelles, les « vyshyvankas », et fait de l’ancien drapeau blanc, rouge, blanc le symbole de la Biélorussie démocratique, ont « représenté une menace » idéologique pour le régime, selon le chercheur.

Depuis, un discret mouvement d’intérêt pour cette langue et cette culture semble émerger dans le pays, où l’on parle majoritairement le russe après un peu plus de deux siècles de domination du grand voisin, de l’Empire russe à l’Union soviétique. Le biélorusse est officiellement la seconde langue, mais dans les faits, l’administration et le pouvoir n’utilisent que le russe. De même pour la télévision et les médias étatiques. Au sein de la population, moins de 8 % l’utilisent au quotidien, selon un sondage publié en décembre 2020 par le Centre for East European and International Studies (ZOiS).

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