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A Washington, la colère d’Adela Raz, ambassadrice d’un Afghanistan qui n’existe plus

Le drapeau afghan flotte devant l’ambassade d’Afghanistan à Washington, le 16 août 2021, au lendemain de la prise de Kaboul par les talibans. CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES VIA AFP

Adela Raz a été nommée ambassadrice d’Afghanistan aux Etats-Unis le 27 juillet par le président Ashraf Ghani. Moins de trois semaines plus tard, les talibans s’emparaient de Kaboul et celui-ci prenait la fuite.

Today Amb. @AdelaRaz officially began her first day as Afg’s newly appointed Ambassador to the U.S. She met with th… https://t.co/XHGO9d0i49

— Embassy_of_AFG (@Afghan Embassy DC)

Depuis, Adela Raz est une réfugiée qui représente un gouvernement qui n’existe plus et est réduite à expédier les affaires courantes. Surtout, elle ne décolère pas contre l’administration Biden. Interviewée, dimanche 3 octobre, dans l’émission « Axios on HBO », elle a donné libre cours à son ressentiment. Lorsqu’il lui est demandé si elle pense que l’Afghanistan fera à nouveau confiance à l’Amérique après le départ des forces américaines, elle répond sans détour : « Probablement pas de sitôt. »

« La priorité a disparu »

Mme Raz raconte que l’élection du président démocrate lui a donné, ainsi qu’à ses collègues afghans aux Etats-Unis, de l’espoir. Ils espéraient que M. Biden tenterait de renégocier l’accord de Doha, que l’ancien président Donald Trump avait conclu avec les talibans en février 2020. « Nous avions accepté le principe du retrait des troupes américaines, mais nous pensions qu’il fallait poser des conditions aux talibans pour qu’ils s’engagent à respecter les acquis de la société afghane », dit-elle. En avril, le président Biden a cependant confirmé la décision de son prédécesseur de retirer les troupes d’Afghanistan et les soldats américains ont quitté le pays le 30 août.

Adela Raz rappelle que, lorsque l’offensive des talibans s’est accélérée, elle a demandé un soutien militaire américain, en vain. Elle ajoute :

« [Les Américains] se sont engagés dans la construction d’une démocratie en Afghanistan, les gens y croyaient, ils se sont battus pour cela, mais lorsque les négociations ont commencé avec les talibans, cette priorité a disparu ».

Maintenant, elle s’interroge : « De quels moyens disposons-nous, pour que les talibans respectent les droits humains ? »

Elle critique l’attitude du président Biden et ne croit pas à son engagement à « soutenir le peuple afghan à travers la diplomatie, l’influence internationale et l’aide humanitaire, (…) à (…) défendre les droits fondamentaux du peuple afghan, particulièrement ceux des femmes et des filles, tout comme nous le faisons pour les femmes et les filles du monde entier ». Elle se dit néanmoins reconnaissante pour les sacrifices que les militaires et les civils américains ont consentis, au cours des vingt dernières années, pour son pays.

Elle n’épargne pas non plus l’ancien pouvoir afghan. Selon elle, les forces de sécurité afghanes qui se reposaient sur l’expertise technique et le soutien aérien américain se sont effondrées lorsque les États-Unis se sont retirés. Elle estime qu’Ashraf Ghani, dont le portrait a été retiré de l’ambassade, doit s’expliquer devant les Afghans pour sa « trahison » et sa fuite.

Zone grise diplomatique

Depuis la prise de Kaboul, la question de la pertinence de la reconnaissance du régime des talibans en Afghanistan n’a pas été tranchée. Même le Qatar, le Pakistan ou la Chine laissent planer le doute, et le débat a éclaté en pleine lumière lors de l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre, où les nouveaux maîtres de l’Afghanistan ont demandé à s’exprimer, ce qui leur a été refusé.

Le 15 septembre, une vingtaine de diplomates afghans ont publié une lettre ouverte demandant à la communauté internationale de ne pas reconnaître le nouveau pouvoir. « Nous sommes découragés qu’après vingt ans d’engagement, nos alliés abandonnent l’Afghanistan et laissent notre peuple à la merci d’un groupe terroriste », écrivent-ils.

Mme Raz souligne que l’administration Biden a refusé de la rencontrer. Pour autant, Washington considère que « l’ambassadrice Adela Raz est la représentante accréditée de l’Afghanistan auprès des États-Unis », a déclaré un porte-parole du département d’Etat au site d’information Axios.

La diplomate refuse de reconnaître la légitimité des talibans – qui l’ont contactée – ou de quitter son poste et se considère toujours comme l’ambassadrice de son pays. Le drapeau tricolore noir, rouge et vert, chargé au centre de l’emblème national, flotte toujours sur l’ambassade de Washington.

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