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En Turquie, des militaires écroués pour un coup d’Etat… en 1997

Affiches de campagne du général Cetin Dogan, à Istanbul, en mai 2011. Plusieurs anciens militaires ont fait campagne contre le gouvernement d’Erdogan. MURAD SEZER / REUTERS

LETTRE D’ISTANBUL

La vengeance est un plat qui se mange froid, les adeptes de l’islam politique turc en savent quelque chose. Reconnus coupables d’avoir « renversé par la force le gouvernement de la République de Turquie » il y a bientôt vingt-cinq ans, quatorze généraux à la retraite ont été écroués, jeudi 19 août. Un mois plus tôt, la Cour de cassation avait confirmé leurs peines de réclusion à perpétuité pour leur implication dans la rédaction du mémorandum publié par l’armée turque le 28 février 1997.

Cette journée est restée dans les annales comme celle du « coup d’Etat postmoderne ». Contrairement aux autres putschs (1960, 1971, 1980, 2016), celui-ci n’a pas fait de victimes, aboutissant à la dissolution du gouvernement dirigé à l’époque par le chantre de l’islam politique turc Necmettin Erbakan, l’ancien mentor du président Recep Tayyip Erdogan.

Les quatorze condamnés, des vieillards souffrant de pathologies multiples, ont donc été incarcérés. Parmi eux figurent, entre autres, les généraux Cevik Bir, 82 ans, et Cetin Dogan, 81 ans, tous deux anciens commandants de la 1re armée. L’autonomie de Cetin Dogan, diabétique et cardiaque, est limitée. Même chose pour Cevik Bir, qui souffre de la maladie d’Alzheimer et ne peut se débrouiller seul. Leurs avocats estiment qu’ils auraient dû être libérés pour raisons de santé, mais la Cour de cassation en a décidé autrement.

Quatre mois de prison pour Erdogan

On peut y voir une revanche du camp islamo-conservateur, engagé dans d’interminables règlements de comptes avec l’armée depuis son avènement au pouvoir, en 2002. Le président Erdogan lui-même n’est pas neutre dans ce procès des généraux puisque sa fille, Sümeyye, et son fils Bilal font partie des plaignants. Le putsch « mou » de 1997 est une blessure personnelle, un traumatisme que lui et ses proches ne manquent jamais une occasion de rappeler.

Quand le Conseil national de sécurité, dominé par les militaires, fait fermer le Parti de la prospérité (Refah Partisi, islamiste) – la formation de Necmettin Erbakan, dont Recep Tayyip Erdogan est membre et grâce à laquelle il a été élu maire d’Istanbul quatre ans plus tôt –, l’édile peut raisonnablement penser que sa carrière est mal partie. Quelques mois plus tard, il est condamné à cent vingt jours d’emprisonnement parce qu’il a lu en public un poème religieux jugé subversif.

En 1997, l’armée turque est toute-puissante. Très investie dans son rôle de gardienne des principes – dont la laïcité – prescrits par Mustafa Kemal, dit « Atatürk », le fondateur de la République en 1923, elle impose ses décisions politiques au gouvernement civil, qui est forcé de les appliquer. C’est ce qui se passe le 28 février quand Necmettin Erbakan, à l’époque premier ministre, est contraint de signer un mémorandum en dix-huit points rédigé par les militaires. Avant cela, il a dû écouter en silence le coup de semonce des généraux, outrés par sa projection de l’islam au cœur de la sphère publique. Jugées « antilaïques », la construction de nouvelles mosquées, l’ouverture d’écoles religieuses et de fondations proches des confréries islamiques doivent cesser.

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