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« Ils ont mon nom, ils me cherchent, je devais partir » : des exilés afghans racontent leur arrivée en France

Par Henri Seckel

Publié aujourd’hui à 15h00

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ReportageIls sont journalistes, médecins, magistrats, fonctionnaires… Près de 3 000 Afghans ont été évacués vers la région parisienne et plusieurs villes de province. Un départ dans l’urgence et le dénuement.

Pantalons, tee-shirts et longues tuniques traditionnelles sèchent aux fenêtres d’un hôtel de la banlieue nord de Paris, dans lequel 230 Afghans sont cloîtrés depuis dimanche 22 août. Ils étaient les passagers du sixième vol Kaboul-Roissy organisé par l’armée française depuis la prise de pouvoir des talibans. Après la rotation prévue vendredi, quelque 3 000 Afghans auront été évacués vers la France et placés, le temps d’une quarantaine de dix jours, dans une douzaine d’établissements en région parisienne, à Strasbourg, Lyon, Nantes, Clermont, Grenoble, et Lille.

Les vêtements encore humides qui constellent la façade de cet hôtel francilien symbolisent l’urgence de la fuite. Beaucoup sont partis sans habits de rechange, et jusqu’à l’arrivée d’une salutaire cargaison de la Croix-Rouge en milieu de semaine, il a fallu se livrer à un semblant de lessive quotidienne dans son lavabo, et attendre que ça sèche.

Nargis, 24 ans, journaliste sportive afghane, le 26 août en banlieue parisienne. Elle fait défiler sur son téléphone une ancienne interview qu’elle a réalisée. CHLOE SHARROCK / MYOP / POUR « LE MONDE »

« Quand les talibans sont arrivés dans Kaboul, j’ai pris la décision de partir dans l’heure. J’ai pris mon ordinateur portable, une veste et rien d’autre. » Nargis Anwari, 24 ans, est – était – journaliste sportive pour la chaîne Tolo TV, qui avait lancé un programme encourageant la présence des femmes dans les stades. Son visage est connu. « Les talibans cherchent les journalistes et les activistes, affirme-t-elle. Ma mère m’a dit : “Si tu peux partir, pars, peu importe où.” J’ai laissé ma famille, dont je suis le seul soutien financier. Je suis désespérée, mais au moins les talibans ne viendront pas me tuer ici. »

« La fuite des élites urbaines »

Une voiture de gendarmes monte la garde à l’entrée de l’hôtel. Les sorties, hors du bâtiment mais pas de l’enceinte, sont permises de 10 heures à midi, et on tolère, l’après-midi, les enfants et les fumeurs. A l’issue de la quarantaine exigée, ceux qui le veulent – mais la procédure est floue pour beaucoup d’entre eux – pourront s’enregistrer comme demandeurs d’asile, bénéficier d’une allocation, et d’un hébergement quelque part en France.

En attendant, programme monotone : « Dormir. Attendre. Dormir. Attendre. » Idriss, 35 ans, membre d’une troupe de théâtre, travaille sa patience aux côtés de sa femme Zahra et de ses deux filles (3 ans et 5 mois). « J’ai joué avec des acteurs allemands, français et israéliens, ça ne plaît pas aux talibans. Maintenant, le théâtre en Afghanistan, c’est fini, la culture est morte. Si j’y retourne, qu’est-ce que je vais faire ? »

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