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A Pékin, l’ambassadeur fou de poésie et du « Victor Hugo chinois »

Le représentant de l’Union européenne en Chine, le Français Nicolas Chapuis, à Pékin, le 17 janvier 2020. JASON LEE / REUTERS

LETTRE DE PEKIN

De temps à autre, une étrange rumeur parcourt les couloirs de la Délégation européenne à Pékin : « Ce n’est pas le moment de déranger l’ambassadeur, il est au VIIIe siècle ».

La rumeur est en partie infondée : à la fois diplomate et traducteur, le représentant de l’Union européenne en Chine, le Français Nicolas Chapuis, prend bien soin de ne pas mélanger ses deux fonctions. « Je fais suffisamment figure de panda comme ça », dit-il en riant. Mais en partie seulement. Sa passion pour la poésie chinoise classique est telle qu’on imagine mal ce lettré résister à la tentation de se plonger dans un poème de son cher Du Fu entre deux « conf calls » avec Bruxelles.

Au bout du monde, le recueil que viennent de publier Les Belles Lettres donne un aperçu de l’étendue de son savoir. Un petit aperçu. Ces soixante-deux poèmes écrits en l’an 759 par Du Fu et que ce sinologue traduit et présente dans un ouvrage de 588 pages ne constituent que le troisième volume d’une œuvre immense.

« Il y a en tout 1 400 poèmes. A raison de soixante à cent poèmes par volume, cela devrait faire au moins quinze volumes », confie le traducteur, les yeux pétillants comme ceux d’un enfant devant une malle aux trésors. « Sachant que je mets deux ans par volume et qu’ensuite Les Belles Lettres ont également besoin de deux ans pour l’éditer, j’en ai encore pour vingt ans », précise-t-il, devançant la question.

Humour et sous-entendus

Chaque poème est non seulement traduit mais accompagné de plusieurs pages de commentaires et de références. Un véritable travail de bénédictin. « Il ne faut pas aller trop vite. Certains poèmes sont si importants que j’y consacre plusieurs mois. J’ai mis plus d’un an pour traduire les soixante-quatre vers de “Tristes Automnes” », explique-t-il avant de livrer cette confession : « Si j’arrive au bout, je n’aurai pas vécu pour rien : cela restera. »

Travaillant pour la postérité – en fait les bibliothèques –, Nicolas Chapuis se soucie peu que le premier volume ne se soit vendu qu’à moins de 600 exemplaires. C’est pourtant dommage car cet amoureux des mots réussit le tour de force de traduire des poèmes pleins d’humour et de sous-entendus rédigés et chantés dans une langue devenue incompréhensible pour les Chinois du XXIe siècle en autant de petits bijoux écrits dans un français à la fois contemporain et élégant.

En témoigne le début de L’adieu de la jeune mariée.

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