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Vol Ryanair intercepté par la Biélorussie : l’Europe ferme son espace aérien pour sanctionner Alexandre Loukachenko

Le bras de fer se poursuit entre les Européens et le régime du président Alexandre Loukachenko. Conformément à une recommandation de l’Union européenne, qui a adopté, lundi 24 mai, de nouvelles sanctions contre le régime biélorusse, Air France a annoncé suspendre « jusqu’à nouvel ordre » le survol de l’espace aérien du pays par ses appareils.

« Les appareils déjà en route verront leur plan de vol modifié », a précisé la compagnie aérienne dans un communiqué dans la nuit de lundi à mardi, ajoutant : « Air France suit en permanence l’évolution de la situation géopolitique des territoires desservis et survolés par ses appareils et applique strictement la réglementation. »

Les dirigeants de l’UE ont décidé lundi soir de fermer leur espace aérien à la Biélorussie et d’adopter un nouveau train de sanctions contre le régime, accusé d’avoir dérouté un avion de ligne européen vers Minsk pour arrêter un dissident, dont ils ont exigé la libération immédiate.

Ils ont aussi recommandé aux compagnies européennes de contourner l’espace aérien du pays, a fait savoir le porte-parole du président du Conseil européen Charles Michel. Ces mesures ont été approuvées rapidement. L’accord, préparé en amont par des consultations entre les capitales, a été annoncé deux heures après le début d’un sommet des Vingt-Sept organisé en présentiel sur deux journées à Bruxelles.

Le Royaume-Uni et l’Ukraine ont déjà mis sur liste noire l’espace aérien de cette ex-république soviétique, et les compagnies Lufthansa, SAS et AirBaltic ont annoncé leur décision d’éviter son survol.

Près de 2 000 appareils effectuant des vols commerciaux empruntent chaque semaine l’espace aérien de Biélorussie, a précisé l’organisation Eurocontrol. La compagnie biélorusse Belavia assure pour sa part une vingtaine de vols chaque jour au départ ou à destination d’aéroports de l’UE.

Risque de « peine de mort »

Roman Protassevitch, un journaliste d’opposition de 26 ans, et sa compagne, Sofia Sapéga, se trouvaient à bord d’un Boeing de Ryanair reliant Athènes à Vilnius dérouté dimanche vers Minsk après, selon la Biélorussie, une alerte à la bombe, laquelle s’est révélée mensongère. Ils ont été arrêtés à l’aéroport et le jeune homme est désormais détenu à Minsk, la capitale.

M. Protassevitch est un ancien rédacteur en chef de l’influent média d’opposition Nexta. Selon Svetlana Tikhanovskaïa, la figure de l’opposition biélorusse en exil en Lituanie, il risque la « peine de mort », que la Biélorussie est le dernier pays en Europe à appliquer.

Les Etats-Unis et l’ONU ont, eux aussi, exigé la libération immédiate du jeune opposant. Le président Joe Biden a condamné un « événement scandaleux ». La réaction européenne « est à la hauteur de la gravité » de cet événement « absolument inacceptable, choquant, scandaleux », a déclaré le président du Conseil européen Charles Michel. « Nous ne tolérerons pas que l’on tente de jouer à la roulette russe avec la vie de civils innocents », a-t-il averti.

L’adoption rapide de nouvelles sanctions ciblées contre des responsables du régime et des entités et l’examen de mesures économiques supplémentaires ont été réclamés par les dirigeants européens.

L’Union européenne a déjà inscrit sur sa liste noire 88 membres du régime, dont le président Alexandre Loukachenko, et sept entités.

« Piraterie »

Les dirigeants européens ont « condamné avec force l’atterrissage forcé d’un avion Ryanair à Minsk (…) qui a porté atteinte à la sécurité aérienne ». L’action de Minsk a été qualifiée d’acte de « terrorisme d’Etat » par plusieurs capitales. Washington a dénoncé « un détournement forcé ».

Les explications des autorités biélorusses « ne sont absolument pas crédibles », a lancé la chancelière allemande, Angela Merkel. « Le régime a transformé notre pays en Corée du Nord au milieu de l’Europe », a dénoncé Svetlana Tikhanovskaïa.

L’Organisation du traité de l’Atlantique nord, qui veut, comme l’UE, une « enquête internationale », va réunir mardi ses ambassadeurs pour discuter de la situation. Son secrétaire général, Jens Stoltenberg, a fustigé « un incident grave et dangereux ».

L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), un organisme dépendant des Nations unies, a convoqué une réunion d’urgence pour jeudi matin. L’atterrissage forcé « pourrait être une violation de la convention de Chicago », qui protège la souveraineté de l’espace aérien des nations, a-t-elle estimé.

Pour la Biélorussie, les accusations européennes sont « sans fondement ». Minsk assure avoir agi dans la légalité en interceptant ce vol commercial après avoir reçu une menace de l’organisation palestinienne Hamas. Le régime a précisé avoir informé l’OACI et dit être disposé à coopérer à une enquête impartiale.

Le PDG de Ryanair, Michael O’Leary, a déploré un acte de « piraterie » et affirmé que des agents des services de sécurité biélorusses, le KGB, ont pu se trouver à bord du Boeing dérouté.

Le régime d’Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, a durement réprimé un mouvement de contestation inédit qui a vu des dizaines de milliers de personnes défiler dans les rues en 2020 à l’occasion de la présidentielle d’août, jugée « truquée » par les Européens.

Malgré les sanctions européennes et américaines le visant, lui et de hauts responsables du pays, M. Loukachenko n’avait montré aucune volonté de compromis face aux actions de protestation et a renforcé la répression.

Le Monde avec AFP

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