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Disparition de l’historien Marc Ferro, grand spécialiste de la Russie et du cinéma

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L’historien Marc Ferro, grand spécialiste de l’Union soviétique et de la Russie, mais aussi des guerres du XXe siècle, de la colonisation et du cinéma, est décédé dans la nuit de mercredi à jeudi à l’âge de 96 ans, a annoncé sa famille à l’AFP.

Spécialiste de l’URSS et de la Russie, mais aussi des guerres du XXe siècle, de la colonisation et du cinéma, Marc Ferro a, pendant douze ans, incarné l’Histoire à la télévision, avec son émission « Histoire parallèle » sur Arte.

Décédé dans la nuit du mercredi 21 au jeudi 22 avril, à l’âge de 96 ans, il avait signé début 2020 son 65e ouvrage « L’entrée dans la vie », qui raconte des tournants dans le parcours de personnalités telles que Chaplin, Kennedy, Trotski ou Gandhi.

Cet historien à la réputation internationale a eu la particularité d’avoir échoué – à sept reprises ! – à l’agrégation, a priori indispensable reconnaissance universitaire. Un échec qui n’empêcha pas cet élève du grand historien Fernand Braudel de diriger, à partir des années 1970, la prestigieuse revue des Annales.

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Fondée en 1929 par Marc Bloch et Lucien Febvre, l’école des Annales, qui eut un grand rayonnement, cherchait à présenter une Histoire complète, « totale », sans se limiter aux seuls aspects politiques, militaires ou diplomatiques.

Marc Ferro était l’auteur de « Comment on raconte l’histoire aux enfants » (1981), « L’aveuglement : une autre histoire du monde » (2015), « La Grande Guerre 1914-1918 » (1968), d’un important « Pétain » (1987), adapté au cinéma par Jean Marbœuf (en 1993), ou du « Livre noir du colonialisme » (2003).

Engagé dans la Résistance, il rejoint le maquis du Vercors

De père italo-grec et de mère ukrainienne, il naît à Paris le 24 décembre 1924. À 12 ans, il écrit en 30 pages, rédigées à la plume et en quelques semaines, le récit d’une période de l’Histoire de France, allant de la guerre de Cent Ans à Jeanne d’Arc. C’est ce qu’on appelle la vocation.

Pendant la guerre, envoyé par sa famille en zone non occupée, il est étudiant en histoire à Grenoble. Études interrompues par la guerre : engagé dans la Résistance, il rejoint le maquis du Vercors pour échapper au STO [service du travail obligatoire] et participe à la libération de Lyon. Sa mère, juive, est morte à Auschwitz en 1943.

Jeune marié et père de famille, il est affecté à Oran, en Algérie, pour y enseigner, de 1948 à 1956. Il s’engage en faveur de l’indépendance algérienne.

En 1960, il regagne Paris où il enseigne et prépare une thèse de doctorat consacrée à la Révolution russe de 1917. Il démontre comment la prise de pouvoir de Lénine n’est pas seulement le fait d’un habile coup d’État, mais puise ses racines dans une vague de fond.

Ensuite, Marc Ferro enseigne à l’École Polytechnique, puis dirige le groupe de recherches « Cinéma et Histoire » à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) : il montre dans plusieurs ouvrages que les films (et pas forcément les films dits « historiques ») aident grandement à analyser la société.

« L’historien doit conserver, expliciter, analyser, diagnostiquer »

Directeur de recherche émérite à l’EHESS, Marc Ferro innove à la fin des années 1980 en mettant les archives cinématographiques des grands moments de l’Histoire contemporaine, comme la période 1939-45 et la Guerre froide, à la portée du grand public.

C’est l’aventure d’ »Histoire parallèle » qu’il présente sur La Sept [ancien nom d’Arte] (de 1989 à 92), puis sur Arte jusqu’en 2002. À la lumière de documents empruntés à tous les camps, il analyse l’histoire et les récits que l’on en fait.

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Visage rond, portant des lunettes d’écaille, le ton légèrement saccadé, parfois abrupt, et voix haut perchée, Marc Ferro y apparaissait « jovial et scrupuleux, beau spécimen d’historien à pipe », note L’Express. De fait, personne, depuis Alain Decaux, n’avait trouvé le ton juste pour raconter l’Histoire à la télévision.

Cet homme de gauche non communiste, qui disait avoir été le premier chercheur à accéder, dès 1967, aux archives du Parti communiste soviétique, considérait que « l’historien doit conserver, expliciter, analyser, diagnostiquer. Il ne doit jamais juger ».

Il expliquait en 1995 au magazine « L’Histoire » que ses livres sur l’URSS avaient été longtemps « recouverts d’une sorte de voile, d’ignorance volontaire, de dévaluation implicite aussi bien de la part des communistes que des anciens communistes devenus anticommunistes ».

Avec AFP

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