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Moins d’aléas et plus d’argent : le véritable objectif des clubs pour la “Super ligue”

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Avec la création d’une ligue fermée ou « Super ligue » à l’échelle européenne, les 12 clubs fondateurs espèrent empocher le lucratif pactole des droits TV tout en s’affranchissant des incertitudes liées aux performances sportives d’une saison à l’autre. Décryptage.

C’est un vieux serpent de mer du football qui finalement a sorti la tête de l’eau ce lundi 19 avril : la création par 12 clubs d’une « Super ligue » fermée à l’échelle européenne ayant pour but de supplanter la prestigieuse Ligue des champions de l’UEFA. Sur le modèle de la NBA, les clubs espèrent ainsi limiter les aléas sportifs tout en empochant le jackpot des droits TV, en proposant un produit recentré sur l’élite des clubs européens.

Le président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, a réagi sans mâcher ses mots en conférence de presse, parlant d’ »une proposition honteuse » de quelques clubs « guidés par l’avidité », « un crachat au visage de tous les amoureux du football ». L’UEFA a promis de répliquer en excluant les équipes dissidentes et leurs joueurs.

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Selon ses promoteurs – AC Milan, Arsenal, Atlético Madrid, Chelsea, FC Barcelone, Inter Milan, Juventus, Liverpool, Manchester City, Manchester United, Real Madrid et Tottenham –, la Super Ligue fonctionnerait sous la forme d’une saison régulière opposant 20 clubs, puis de play-offs, avec quinze membres de droit (les 12 « clubs fondateurs » cités et trois supplémentaires restant à déterminer) et cinq autres équipes choisies « à travers un système basé sur leur performance de la saison précédente ».

• Explosions des revenus + prime à la signature

Cette  « Super ligue », selon ses fondateurs, est vouée à « générer des ressources supplémentaires pour toute la pyramide du football ». Le communiqué est clair : chacun des fondateurs recevra un chèque substantiel pour son engagement dans le nouveau projet.

« En contrepartie de leur engagement, les clubs fondateurs recevront un versement en une fois de l’ordre de 3,5 milliards d’euros destinés uniquement à des investissements en infrastructures et compenser l’impact de la crise du Covid-19 », expliquent-ils. Une « prime à la signature » loin d’être négligeable puisque chaque club se verrait remettre entre 100 et 350 millions d’euros, l’équivalent du budget d’un club comme l’Olympique lyonnais, qui joue régulièrement les Coupes d’Europe et le podium de Ligue 1.

À cette première carotte s’ajoute la promesse de revenus annuels liés à la compétition multipliés par deux ou trois par rapport à la Ligue des champions. Pour son édition 2019/2022, l’UEFA avait distribué 2,04 milliards d’euros aux 32 clubs participants. Or les promoteurs de la « Super ligue » promettent entre 4 et 6 milliards par an à distribuer entre ses 20 participants. Un gâteau bien plus généreux et attractif.

Actuellement, la société commerciale gérant les compétitions européennes est contrôlée conjointement par l’UEFA, l’Association européenne des clubs et les Championnats, afin d’assurer une redistribution des revenus. Dans leur projet de Super ligue, les clubs fondateurs seraient les gérants des droits audiovisuels et marketing. Sans intermédiaire, les revenus seraient tirés vers le haut et ces clubs deviendraient les grands argentiers du football européen en lieu et place de l’UEFA.

Des revenus qui devraient venir des droits TV, à l’instar du financement actuel de la Ligue des champions. Cependant, pour le moment, aucun diffuseur ni aucune date pour un éventuel appel d’offres futur n’ont été révélés.

• JPMorgan en distributeur de ballons

Le chiffrage du projet est estimé à six milliards d’euros pour le lancement. Un montant que la banque américaine JPMorgan a annoncé être prête à engager.

« Je peux confirmer que nous finançons l’opération », a indiqué à l’AFP un porte-parole de la banque à Londres, ajoutant n’avoir pas d’autre commentaire à ce stade.

« Il se pourrait que JPMorgan ne soit qu’un intermédiaire. Il y aurait un État derrière. On parle beaucoup de l’Arabie saoudite et du Public Investment Fund (PIF), fonds public d’investissement aux mains du prince héritier Mohammed ben Salmane », note Christophe Dansette, chroniqueur économie à France 24. « Mais pour le moment, rien n’est confirmé et le financement reste assez flou. »



• La fin de la glorieuse incertitude du sport

« Le football a connu une année catastrophique avec le Covid-19. Les 20 clubs les plus riches ont un manque à gagner de 2 milliards d’euros. Ils cherchent donc de nouveaux revenus », explique Christophe Dansette.

« Le projet n’est pas lié qu’au Covid-19. Les gros clubs étaient déficitaires avant cette crise », note, sur France 24, Luc Arrondel, économiste du sport et auteur de « L’Argent du football ». « D’un point de vue économique, c’est dans la logique des choses si on regarde l’évolution du football depuis les années 1990 : il y a une croissance des inégalités entre quelques gros clubs et le reste. Dans les championnats nationaux, il n’y a plus de suspense, la Ligue des champions n’est ‘intéressante’ qu’à partir des quarts… »



Avec ce nouveau modèle inspiré de la NBA, les promoteurs de la « Super ligue » espèrent rompre avec l’incertitude économique qui entoure le monde du sport. D’une année à l’autre, une équipe peut se casser la figure et manquer une qualification européenne qui, dans le football, vaut plusieurs millions d’euros. En instaurant cette ligue fermée, les fondateurs s’assurent que des petits clubs ne jouent plus les trouble-fêtes en s’invitant de manière exceptionnelle en Coupe d’Europe à leurs dépends, quitte à rompre avec la vision méritocratique du sport européen où, sur le papier, un club peut monter un à un les échelons de l’amateurisme jusqu’au sommet du monde professionnel.

« Ce qu’apporte un championnat fermé, c’est de la sécurité financière par rapport à des investissements, il n’y a pas de danger, ni de risques », note toutefois Tim Bridge, du cabinet Deloitte, interrogé par l’AFP.  Et dans un contexte financier fragilisé par la pandémie de coronavirus, c’est important : « Quelques-uns des douze clubs sont actuellement dans des situations financières compliquées, c’est pourquoi ils sont à la recherche d’une plus grande stabilité financière pour le futur. »

Plusieurs observateurs notent ainsi que parmi les douze fondateurs, plusieurs clubs sont actuellement sur le déclin en matière de résultats européens voire nationaux. Pour ceux là, la « Super ligue » apparaît comme une planche de salut inespérée.

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