En Birmanie, les moines bouddhistes sont censés être apolitiques. Ils ne peuvent voter et doivent prêcher la réconciliation, la concorde et la paix, pas défiler avec des pancartes aux côtés de manifestants. Tout cela n’avait pas empêché des milliers d’entre eux, durant les journées de protestation contre la junte en 2007, de marcher en tête des cortèges anti-régime. Un mouvement qui reste dans l’histoire sous le nom de « révolution safran », pour la couleur des robes de certains bonzes.
Il semble bien que les moines, dans leur ensemble, soient aujourd’hui beaucoup moins impliqués dans le mouvement de désobéissance civile qui est en train de paralyser le pays, à la suite du coup d’Etat militaire du 1er février. Certes, des groupes de bhikkhus (moines) ont bien été vus dans les manifestations de Rangoun, brandissant des pancartes où étaient écrites des phrases comme « Les moines ne veulent pas d’une dictature militaire ! Rejetons le coup d’Etat ! ». Mais, selon plusieurs témoignages recueillis au téléphone, les membres du sangha – le clergé bouddhiste – semblent cette fois avoir préféré prendre leurs distances avec le mouvement de protestation.
Processus de « débouddhisation »
Cette posture de retrait a plusieurs causes. « J’ai été très déçu de la prestation de [l’ancienne dirigeante] Aung San Suu Kyi au gouvernement », a récemment confié un moine d’un monastère de Rangoun à l’un de nos interlocuteurs. « Je l’avais pourtant soutenue lors des élections législatives de 2015, mais j’ai déchanté quand j’ai réalisé que la politique de la NLD [la Ligue nationale pour la démocratie, le parti d’Aung San Suu Kyi] consistait à s’efforcer d’affaiblir le sangha ». Ce moine en veut pour preuve que le parti du gouvernement, renversé par l’armée, avait essayé de réduire les financements de l’Etat dévolus à des instances du bouddhisme birman, notamment les universités monastiques.
Sur un plan plus anecdotique, mais très mal vécu par certains bonzes, l’ancien ministre de l’éducation aurait quant à lui proposé de retirer de l’alphabet birman les lettres permettant la transcription de textes bouddhiques issus du pâli, la langue liturgique du theravada – la forme du bouddhisme pratiquée en Birmanie, au Sri Lanka, en Thaïlande, au Laos et au Cambodge.
« Oui, comparé à la “révolution safran”, le niveau d’engagement des moines dans l’actuel mouvement est bien moindre », confirme Chris (nom d’emprunt), un Birman qui enseigne à Mandalay, la deuxième ville du pays. « Quand la NLD était encore au pouvoir, il y a eu des périodes de tensions entre “Daw” [madame] Aung San Suu Kyi et le sangha : certains moines l’ont accusée de lancer le pays dans un processus de “débouddhisation”, dont les écoles monastiques ont été les premières victimes. »
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