Retrouvé tué par balles dans sa voiture, le jeudi 4 février, dans le sud du Liban, Lokman Slim était éditeur, essayiste, archiviste et documentariste. Un intellectuel et militant politique attaché à faire vivre la mémoire de son pays, et un opposant au mouvement chiite Hezbollah, dénonçant les soutiens au Moyen-Orient de celui-ci, notamment le régime de Bachar Al-Assad. Quelques jours avant d’être assassiné, il accusait Damas, lors d’une interview à la télévision saoudienne, d’être responsable de l’arrivage, dans le port de Beyrouth, du stock de nitrate d’ammonium à l’origine de l’explosion du 4 août, qui a tué plus de 200 personnes et dévasté des quartiers entiers de la capitale libanaise.
Né lui-même dans une famille chiite, attaché au pluralisme politique, fervent défenseur de la démocratie, l’homme, âgé de 58 ans, était une « vigie à bien des égards unique », a souligné le quotidien L’Orient-Le Jour, qui a tenu à lui rendre hommage dans son édition du samedi 6 février. « Que faire, que dire quand l’horreur frappe encore ?, s’interroge le journal libanais francophone. Que faire, si ce n’est céder la parole à ceux qui ne renoncent pas à la prendre envers et contre tout ? »
Vingt auteurs ont ainsi pris la plume pour dire leur colère, leur chagrin et leurs désillusions. « Le Monde des livres » publie cinq de ces tribunes.
Hoda Barakat, écrivaine : « Non ! »
« Nous allons oublier Lokman, comme nous avons oublié tous les autres. Puisque toutes nos rengaines ne sont que des dénis. Liberté, justice, résistance, résilience, lutte, mémoire… C’est à rire de cet acharnement à répéter, à nous répéter, à meubler cette impuissance inavouée, depuis maintenant des décennies, à vouloir enterrer nos morts sans mourir, juste pour “remplir” ce vide sidéral.
Nous savons bien, tout comme le tueur, que c’est tout ce que nous allons faire : des lamentations et des condoléances qui ne passent pas, qui ne vont nulle part. Le tueur nous a déjà calculés avant d’aller au meurtre. Nous sommes tellement prévisibles. Tellement folkloriques. Peut-être même que c’est devenu une spécialité libanaise, comme le taboulé. Peut-être même que cela fait partie du patrimoine national, puisque nous usons du même lexique que les “partis” nationaux : résistance, liberté, justice… Tout le monde veut de “ça”, en tête de liste nos jolies garces de chanteuses siliconées…
Nous ne crions plus, nous bêlons, le tueur le sait. Nous sommes faibles et brisés. Le tueur est trop fort et il le sait.
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