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Abiy Ahmed, premier ministre d’une Ethiopie entre guerre et paix

Par Jean-Philippe Rémy

Publié aujourd’hui à 01h02

En novembre 2020, lorsqu’il a fallu porter le feu de l’action militaire dans la région du Tigré, dans le nord de son propre pays, la main du premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix un an plus tôt, n’a pas tremblé. Il a rassemblé toutes les forces possibles – troupes régulières loyales, milices des régions voisines, soldats de l’Erythrée – et lancé l’opération. Quand l’heure sera venue d’examiner l’ampleur des destructions de cette campagne contre une province éthiopienne, c’est peut-être ce qu’on lui reprochera le plus : cette contradiction dans les termes – chef de guerre avec une médaille de la paix – et cette capacité à ruiner les espoirs qu’il avait lui-même fait naître…

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A sa prise de fonction, en avril 2018, sa trajectoire a d’abord ressemblé à la fulgurance prometteuse d’un avenir meilleur pour l’Ethiopie. Charismatique, éclatant de jeunesse et d’idées nouvelles, Abiy Ahmed n’a que 42 ans lorsque la coalition au pouvoir en fait son premier ministre.

Il pourrait n’être qu’un apparatchik ayant bénéficié de son origine oromo, né dans l’Oromia, cette région dont de nombreux responsables jugent que leur temps est venu de diriger la nation. Or non seulement il n’engage pas d’« oromisation » du pouvoir, mais il affiche sa volonté de réformer ce pays de 110 millions d’habitants tout en assurant son unité. L’Ethiopie, il le sait, est un manège qui tourne si vite qu’il peut se disloquer sous l’intensité des forces centrifuges des groupes « ethno-régionaux ». A ses débuts de chef du gouvernement, Abiy Ahmed avance donc à sa façon : il ouvre les vannes de la libéralisation, élargit des centaines de détenus politiques, fait cesser la répression.

Seulement, effet pervers ou mauvais calcul, la porte s’ouvre aussi à une explosion des conflits régionaux, au point d’inquiéter les observateurs. Est-ce que les réformes verront le jour si l’Ethiopie s’embrase ?

L’intervention au Tigré, dans ce cadre, apparaît comme un coup de barre autoritaire. Faute d’accès pour les témoins extérieurs (à commencer par les journalistes), il est impossible de mesurer l’étendue exacte des horreurs de cette « opération de maintien de l’ordre », comme Abiy Ahmed l’a qualifiée, menée depuis deux mois dans cette partie du pays frontalière de l’Erythrée, mais il s’agit bien d’une tourmente de pillages, de massacres et de terre brûlée, le tout à huis clos. Entre 2,2 millions et 4 millions de personnes y sont désormais exposées à une famine d’ampleur.

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