ReportageViolences conjugales, cambriolages, petits trafics de drogue… Confrontés aux difficultés de leurs missions et aux refus d’obtempérer qui gagnent les campagnes, les vingt-neuf membres de la brigade de Migennes n’en gardent pas moins la foi.
Des jeunes gens en uniforme dans un amphithéâtre pavoisé, un silence impatient où se mêlent l’ambition, le devoir et la crainte : tout paraît en place pour la cérémonie de fin d’année à l’école des officiers de gendarmerie, à Melun (Seine-et-Marne). A cela près que ce n’est pas la fin de l’année et que rien ne se passe comme d’habitude. Le Covid-19 vient subitement d’abréger la formation, les élèves doivent rejoindre leur affectation en catastrophe. Ils n’ont eu que quelques heures pour consulter la liste des postes vacants.
Dans la salle, les noms s’égrènent par ordre de mérite et chacun s’avance, képi à la main, pour clamer son choix. Les meilleures situations ont déjà été raflées, mais il en reste de belles quand retentit le nom du lieutenant Bertrand Soutoul. Silhouette mince, 27 ans, classé au milieu du tableau : « J’ai l’honneur de choisir la brigade de Migennes. »
Autour de lui, monte un bruissement. Migennes ! Le pire, ou presque. Le lot des « culs de promotion ». Ailleurs en France, cette ville de l’Yonne n’évoque pas grand-chose, sauf chez les cheminots peut-être à cause d’un nœud ferroviaire stratégique. Pour les gendarmes, en revanche, Migennes, 7 000 habitants et quinze villages autour, est une légende noire. « Vous n’êtes pas conscient, lui glisse un gradé. C’est un puits sans fond, dont on ne sort pas indemne. »
Le lieutenant Soutoul revoit son arrivée, la longue avenue flanquée de HLM qui grimpe du centre-ville à la zone commerciale, une ville ouvrière en pleins champs. Ça lui semble bien paisible, lui qui vient des quartiers ouest de Nîmes. La gendarmerie apparaît tout au bout, plantée dans les blés, un casernement neuf, bureaux blancs et dépouillés. Les objets personnels sont interdits.
Le voilà donc, ce « triangle des Bermudes » réputé engloutir les gendarmes. Aucun des derniers commandants n’a fini ses quatre ans réglementaires. Sur la trentaine de personnes de l’effectif, un quart attend sa mutation. Moyenne d’âge : autour de 25 ans. « Vous aimez les défis, mon lieutenant ? », lance le major Nicolas Chautard, au garde-à-vous. C’était en avril 2020.
« Numéro 1 de Bourgogne-Franche-Comté »
Huit mois plus tard, un samedi matin. Le téléphone sonne sans arrêt, comme d’habitude. Une femme déclare la disparition de son mari, envolé par SMS après vingt-deux ans de vie commune. « Mimi, je ne reviendrai pas. Toi et moi, c’est fini, info officielle. » Une retraitée a été cambriolée par le voisin. Un gaillard arrive menotté pour une voiture maquillée.
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