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Risque nucléaire : ce qu’il faut savoir sur les pastilles d’iode

La guerre en Ukraine, les menaces de Vladimir Poutine et les opérations de l’armée russe à Tchernobyl et Zaporojie ont ravivé la peur du nucléaire en Europe. Les ventes et demandes de pastilles d’iodure de potassium se sont envolées sur le continent. Mais ce traitement, utile pour protéger la thyroïde de la radioactivité, n’est disponible en France que selon un protocole strict.

Le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février, a replongé le monde dans ses angoisses du XXe siècle : l’opposition entre l’Otan et la Russie, le spectre d’une nouvelle guerre mondiale et la crainte du nucléaire. La Russie compte parmi les quelques puissances qui disposent de la bombe atomique. Et Vladimir Poutine n’hésite pas à brandir la menace nucléaire dans ce qui est aussi une guerre de communication.

Lorsqu’il a annoncé le début de l’offensive en Ukraine, le président russe a lancé un message inquiétant à tous ceux qui « tenteraient d’interférer » avec ses troupes : « La réponse de la Russie sera immédiate et vous conduira à des conséquences auxquelles vous n’avez jamais été confrontés dans votre histoire. »

Le maître du Kremlin a haussé le ton le 27 février en demandant à son armée de « mettre les forces de dissuasion en régime spécial d’alerte », allusion claire à l’arsenal nucléaire russe. Deux jours plus tôt, ses forces avaient déjà pris le contrôle de la centrale de Tchernobyl. Et le 4 mars, l’armée russe s’est emparée de celle de Zaporojie dans des circonstances toujours floues, Moscou niant être à l’origine d’une frappe et d’un incendie dont les conséquences auraient pu être terribles.

Conséquence directe de ces actes et de cette atmosphère anxiogène : les Européens redoutent un incident nucléaire majeur. Et ils réagissent en conséquence.

Ruée sur l’iode, au cas où

Un peu partout sur le continent, et en particulier dans des pays proches géographiquement de l’Ukraine et de la Russie, les mêmes alertes remontent : les civils veulent se procurer des cachets d’iodure de potassium.

« Au cours des six derniers jours, les pharmacies bulgares en ont vendu autant que durant une année entière. Certaines ont épuisé leur stock. Nous en avons commandé à nouveau mais je crains que les stocks ne durent pas très longtemps », a expliqué à Reuters Nikolay Kostov, président de l’Association des pharmaciens. En République tchèque, en Roumanie et en Pologne, les échos sont similaires. En Croatie, les pharmacies ont été confrontées à une vraie ruée sur l’iode.

Dans une pharmacie de Zagreb, en Croatie, un écriteau annonce « Nous n’avons plus de comprimés d’iode », le 3 mars 2022. Apeurés par l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, les Croates se sont précipités pour acheter ces comprimés. © Denis Lovrovic, AFP

Les autorités sanitaires norvégiennes ont appelé les citoyens à faire preuve de mesure. Mais elles ont malgré tout demandé aux municipalités de s’assurer d’être en mesure de répondre à la demande si besoin. « Le risque d’accidents et d’incidents est plus élevé que la normale en raison de la guerre », a rappelé Espen Rostrup Nakstad de la direction norvégienne de la santé et des affaires sociales.

Même dans l’ouest de l’Europe, les pastilles d’iode s’arrachent. La Suisse, qui est sortie de sa réserve et a adopté des sanctions contre la Russie, n’échappe pas au phénomène. La Belgique non plus : les pharmacies croulent sous les demandes dans ce pays méfiant vis-à-vis de la Russie, dans la mesure où il héberge les sièges de l’Union européenne et de l’Otan. Ne sachant pas comment la guerre en Ukraine va évoluer, de nombreux Belges se procurent des pastilles, au cas où.

L’iode stable pour préserver la thyroïde

En France, les pharmaciens font aussi état, çà et là, de clients réclamant des comprimés d’iodure de potassium. La demande n’est pas aussi forte qu’en Europe centrale, mais elle va croissante. Toutefois, c’est peine perdue. Car comme au Luxembourg, l’iode stable n’est pas disponible librement en France.

Sa distribution est très réglementée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Cette administration se focalise en priorité sur les civils qui vivent dans un rayon de 20 kilomètres autour de l’une des 19 centrales françaises. Cela représentait 2,2 millions de personnes en 2019. Des comprimés sont distribués « de façon préventive autour des installations présentant un risque d’émission d’iodes radioactifs », explique l’ASN.

Les pharmacies dans ces zones disposent aussi de stocks, à n’écouler que sur ordre direct des autorités. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France rappelle donc qu’il est inutile de « surcharger les pharmacies » dans l’espoir d’obtenir ce traitement.

Les pastilles d’iode stable sont utiles pour protéger la thyroïde d’une exposition à de l’iode radioactif échappé d’une centrale lors d’un accident par exemple (comme ce fut le cas à Tchernobyl). La thyroïde absorbe facilement l’iode. Or, l’iode radioactif provoque des cancers. La prise d’iodure de potassium a pour effet de saturer la thyroïde ; cette glande ne peut dès lors plus absorber l’iode radioactif et se trouve mieux préservée du risque de cancer.

Pas de protection face aux armes nucléaires

Mais l’usage de pastilles d’iode n’est qu’ »exceptionnel », indique le dictionnaire médical Vidal dans sa notice au grand public. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a une page entière sur son site web consacrée aux idées reçues sur la prise d’iode stable. Cette page a été mise à jour en ce mois de mars 2022, signe que le sujet est d’actualité.

Prendre de l’iode stable de manière préventive est contre-indiqué. Ces comprimés doivent être pris « au plus tôt une heure avant l’exposition à de la radioactivité, et au plus tard dans les six à douze heures qui suivent », dit l’IRSN.

L’ASN parle d’une « efficacité optimale si la prise est réalisée dans les deux heures avant le début des rejets d’iode radioactif ». « Elle est de 50 % si la prise est réalisée six heures après le début des rejets », ajoute-t-elle. Quoi qu’il en soit, les civils ne doivent prendre de l’iode stable que sur consigne directe des autorités. Plusieurs autorités de santé en Europe ont mis en garde contre de potentiels effets secondaires graves.

La centrale nucléaire de Tchernobyl, photographiée depuis les airs, un peu plus de 48 heures après l’explosion du 26 avril 1986. © Volodymyr Repik, AP

L’IRSN tord aussi le cou à une autre idée reçue : non, l’iode stable ne protège pas de toute exposition à la radioactivité. L’iodure de potassium préserve de l’iode-131, mais il est inefficace contre « les autres éléments radioactifs (comme le césium-134 ou le césium-137) potentiellement rejetés ».

Dana Drabova, directrice de l’Office tchèque de sûreté nucléaire, a ainsi répondu avec gravité aux internautes qui l’interrogeaient sur l’utilité des comprimés d’iode : « En termes de protection contre les radiations, quand des armes nucléaires sont utilisées (Dieu nous en préserve), ils sont inutiles. »

Seuls deux accidents nucléaires « majeurs » – niveau 7, le plus haut de l’Échelle internationale des événements nucléaires – ont eu lieu dans l’Histoire. Le premier s’est produit à la centrale de Tchernobyl (ex-URSS, actuelle Ukraine), le 26 avril 1986. Une série d’erreurs a conduit à l’explosion d’un réacteur. Le deuxième a eu lieu le 11 mars 2011 à la centrale de Fukushima, au Japon. Un séisme et un tsunami l’ont gravement endommagée, entraînant son instabilité.

L’arme nucléaire, elle, n’a été utilisée qu’à deux reprises, par l’armée des États-Unis contre l’empire du Japon, lors de la Seconde Guerre mondiale. Le 6 août 1945, une première bombe A du nom de « Little Boy » est larguée sur Hiroshima. Le 9 août, une deuxième bombe A, nommée « Fat Man », dévaste Nagasaki. Les deux bombes firent environ 214 000 morts.

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