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Le Kremlin, prisonnier d’Alexeï Navalny

L’opposant russe Alexeï Navalny à son arrivée à l’aéroport Cheremetievo de Moscou, le 17 janvier 2021. L’opposant russe Alexeï Navalny à son arrivée à l’aéroport Cheremetievo de Moscou, le 17 janvier 2021.

Analyse. Appelons cela une collision symbolique. A peine revenu en Russie, le 17 janvier, l’opposant Alexeï Navalny a été arrêté, comme prévu. Il a comparu non pas dans l’enceinte d’un tribunal, avec un avocat à ses côtés, mais dans un poste de police. Lors d’une parodie de procédure, une détention de 30 jours a été décidée, en attendant une possible condamnation lourde. A croire que les autorités russes se caricaturent elles-mêmes. C’est ici qu’intervient la collision.

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L’organisation de défense des droits de l’homme Mémorial, toujours vigilante en matière d’histoire, a remarqué le portrait affiché juste au-dessus de l’épaule d’Alexeï Navalny, au poste de police. Il s’agissait d’une photo de Genrikh Iagoda, entré dans l’infamie malgré sa propre fin tragique. Il fut nommé par Staline à la tête du NKVD (la police politique du régime) et conduisit la première vague de purges, avant d’être lui-même arrêté en 1937. Iagoda a supervisé l’extension concentrationnaire du goulag. Il a donc été l’une des incarnations de la cruauté et de la paranoïa du système qui a fini par le consumer.

Il serait malvenu et anachronique d’établir une comparaison entre ce système soviétique – arrestations, déportations, exécutions de masse et travaux forcés –, qui avait broyé des millions de victimes, et le régime russe actuel. Mais noter cela ne relativise pas l’arbitraire, la violence et le cynisme qui fondent l’appareil consolidé par Poutine. Ses réflexes et ses pratiques puisent dans l’esprit de revanche contre les tourments des années 1990, marquées par l’affaiblissement de la Russie. Mais ils ont aussi des racines historiques antérieures à la chute de l’URSS. Le fait même qu’en 2021 une telle affiche puisse être tolérée – voire mise en avant – dans un poste de police russe montre l’absence de tout travail mémoriel et la confusion des esprits sciemment entretenue.

Entêtement partagé

Alexeï Navalny est un homme d’un courage infini, d’une détermination politique entière. La diffusion planifiée, après son retour en Russie, d’une nouvelle enquête vidéo ahurissante sur la fortune de Poutine et son palais démesuré l’illustre bien. Mais l’entêtement est partagé. Le pouvoir russe se moque de la vérité sur son empoisonnement avec un agent neurotoxique, puisqu’il la connaît. Le pouvoir russe se moque de sa propre réputation, des apparences qu’il faudrait préserver, d’expressions comme « Etat de droit », « pluralisme » ou « liberté », puisqu’il les a assimilées de longue date à un autre modèle que le sien, occidental. Le pouvoir russe se moque de l’Occident, justement, puisqu’il a constaté sa vulnérabilité, ses réflexes conditionnés. Avec peu de moyens et de l’ingéniosité, il est possible de déstabiliser des démocraties établies de longue date, fragilisées par la crise économique et sanitaire.

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