Selon la formule de Nye Cominetti, économiste au cercle de réflexion Resolution Foundation, « le Royaume-Uni s’est lancé dans une expérience économique grandeur nature ». Depuis cinq ans, le pays de Margaret Thatcher et du marché du travail libéralisé effectue un soudain rattrapage de son salaire minimum.
Depuis 2015, celui-ci a augmenté d’un tiers, tandis que l’inflation grimpait de 20 %. Actuellement de 8,91 livres sterling (10,63 euros) de l’heure, il a rejoint le niveau du smic français (10,57 euros). En avril, il va encore faire un bond de 6,6 %, à 9,50 livres (11,30 euros), dépassant alors nettement celui de la France.
« Tous les économistes pensent qu’à partir d’un certain niveau le salaire minimum va finir par réduire le taux d’emploi, mais personne ne sait à partir de quand, résume M. Cominetti. Le Royaume-Uni l’augmente progressivement, expérimentant année après année. Et, pour l’instant, il n’y a pas d’effet sur l’emploi. » En pleine épidémie de Covid-19, le taux de chômage britannique culmine à… 4,2 %. Il y a même aujourd’hui 420 000 emplois de plus qu’avant la crise sanitaire (à 29,4 millions).
« Les retombées indirectes sont frappantes »
Cette politique date du gouvernement conservateur de David Cameron. A l’époque, George Osborne, le chancelier de l’Echiquier, veut faire des économies de budget. Mais avec des salaires qui stagnent depuis la grande crise financière de 2008, de nombreux ménages souffrent, et les aides sociales continuent d’être importantes. Il veut inverser la dynamique. « Nous devons passer d’une économie aux salaires bas, aux impôts et aux aides sociales élevés à un pays aux salaires plus élevés, et à des impôts et à des aides sociales plus bas. » Il fixe un objectif : augmenter progressivement le smic britannique à 60 % du salaire médian, alors qu’il tournait alors juste au-dessous de 50 %. A coups de fortes hausses, c’était chose faite en avril 2020, sans rencontrer de grandes difficultés chez les employeurs. « Les salariés avaient plus de pouvoir de négociation que nous ne l’imaginions », constate M. Cominetti.
« Les inquiétudes que le salaire minimum allait mener à des augmentations majeures de prix et à de larges pertes d’emploi ont été, pour l’instant, sans fondement », Chris Hare, économiste à HSBC
Par ailleurs, aucun effet négatif sur l’emploi n’a été enregistré. « C’est l’histoire du chien qui n’a pas aboyé, estime Chris Hare, économiste à HSBC. Les inquiétudes que le salaire minimum allait mener à des augmentations majeures de prix et à de larges pertes d’emploi ont été, pour l’instant, sans fondement. »
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