« Une situation la plus inimaginable possible »: à la centrale nucléaire de Paluel, les problèmes graves s’accumulent pour les besoins d’un exercice destiné aux équipes de choc d’EDF. Avec un objectif: pouvoir éviter un accident comme celui de Fukushima.
A l’intérieur de la salle de contrôle – une réplique – de l’un des réacteurs de la centrale normande, les alarmes se déclenchent sous l’œil attentif de quelques employés, qui évoluent dans le calme avec des listes de consignes à la main.
« On a eu de manière inopinée l’ouverture d’une soupape sur notre circuit vapeur après l’arrêt du réacteur », explique d’une voix posée Nina Leal, cheffe d’exploitation à EDF.
Une défaillance, combinée à d’autres avaries, qui pourrait mettre en cause la capacité à refroidir le réacteur et finir par causer un accident majeur.
Pour les besoins de l’exercice, les problèmes imaginaires se sont aussi accumulés à l’extérieur de la centrale. « C’est une forte tempête, avec du vent, des inondations, potentiellement des vagues de submersion », explique Thierry Hugony, directeur des opérations de la Force d’action rapide du nucléaire (FARN) d’EDF, chargée d’intervenir en cas de problème grave.
La tempête, qui a rendu les routes impraticables, a progressivement coupé l’alimentation électrique de la région et les télécommunications.
La situation dégradée a finalement nécessité la mobilisation des équipes de la FARN, rompue aux scénarios extrêmes.
– « On multiplie les difficultés » –
A l’extérieur, des membres de cette équipe de choc mettent en place une tyrolienne pour faire descendre un tuyau d’alimentation en eau le long d’un relief escarpé.
« Top départ les gars! »: les radios crachotent la consigne et le gros tuyaux jaune commence à progresser sous la caméra d’un drone, dans le crachin normand.
Il finira par arriver au pied du bâtiment du réacteur numéro quatre, où il pourra être branché pour l’alimenter en eau provenant d’un bassin et permettre son refroidissement. « La mission est réussie », annonce Pierre Eymond, directeur de la FARN.
Deux gros groupes électrogènes apportés par hélicoptère et camion s’apprêtent à démarrer pour assurer également l’alimentation électrique du réacteur.
Ce type d’entraînement, qui mobilise une centaine de personnes, est répété cinq ou six fois par an.
« L’exercice consiste à aller dans une situation la plus inimaginable possible », souligne Jean-Marie Boursier, le directeur de la centrale de Paluel.
« Les accidents nucléaires sont relativement à cinétique lente, donc on condense tout, on concentre tout et on multiplie les difficultés pour qu’on puisse tester l’ensemble du dispositif », ajoute-t-il.
– L’expérience de Fukushima –
« Tout cela est parti de l’expérience de Fukushima où l’on a vu nos collègues japonais démunis suite aux conséquences d’un tsunami », explique Pierre Eymond.
« L’idée que nous avions tous en tête, c’est d’éviter absolument de se retrouver dans cette situation, d’où l’idée de se doter de moyens de réaction rapide puissants, capables d’intervenir rapidement et capables d’apporter une aide efficace », résume-t-il.
La création de la FARN a été décidée dès avril 2011, quelques semaines après la catastrophe au Japon, qui a poussé l’Allemagne à abandonner le nucléaire et contraint les opérateurs à renforcer leur sûreté.
Elle compte aujourd’hui quelque 300 volontaires répartis sur quatre bases en France dans les centrales de Bugey, Civaux, Dampierre et Paluel. Ces salariés partagent leur temps entre leurs activités habituelles en centrale et d’autres propres à l’intervention d’urgence.
Ces équipes peuvent transporter du matériel par camion ou par hélicoptère. Elles sont formées aussi bien à déblayer des routes qu’à manœuvrer des barges, en toute autonomie.
Elles doivent pouvoir intervenir en moins de 24 heures dans tous le pays en cas d’accident nucléaire.
Un cas de figure qui ne s’est encore jamais produit en France, même si les équipes de la FARN ont été mobilisées pour aider leurs collègues d’EDF après le passage de l’ouragan Irma à Saint-Martin (2017) et la tempête Alex dans les Alpes-Maritime l’an dernier.
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