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A l’American Colony de Jérusalem-Est, une révolution de palace

Par Louis Imbert

Publié aujourd’hui à 03h35

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RécitDepuis la pandémie, la clientèle internationale du plus bel hôtel de la partie arabe de Jérusalem se fait rare. Désormais, ce sont des Israéliens qui affluent dans ce quartier de Cheikh Jarrah où les tensions entre communautés sont très présentes.

Des enfants se faufilent entre les jambes des employés palestiniens de l’American Colony. Leurs pas font résonner les pavés de marbre de cet hôtel historique, réputé auprès de la clientèle internationale. Un havre de paix niché dans une ancienne demeure de maître ottomane à Jérusalem-Est, la partie arabe de la Ville sainte. Leurs parents, israéliens, flânent autour de la piscine bondée, sous un mur d’enceinte au-dessus duquel pointe le minaret de la mosquée de Cheikh Jarrah. Des Israéliennes âgées plaisantent dans les couloirs, serviette sur l’épaule. Au bar du jardin, un diplomate européen, désorienté, n’en revient pas. On ne parle plus qu’hébreu autour de lui.

L’unique grand hôtel de Jérusalem-Est vit une révolution depuis qu’il a rouvert ses portes, en juin, après quatorze mois de fermeture à cause de la pandémie de Covid-19. Les étrangers composent d’habitude 90 % de la clientèle, aux côtés d’habitants de Jérusalem et de quelques Israéliens juifs et arabes venus de tout le pays. De nouveau autorisés à entrer en Israël depuis le 1er novembre, les touristes ne s’y pressent pas encore. Faute de grives, l’hôtel a alors tâché d’attirer une clientèle locale. Il y a réussi au-delà de ses espérances.

Pendant les deux mois d’été, l’American Colony a fait chambres combles. En septembre encore, au fil des fêtes juives de Roch Hachana, Yom Kippour et Soukkot, l’établissement dirigé par Guy Lindt a affiché un taux d’occupation inespéré de 65 %, « avec quasiment 100 % de clients israéliens ». Cette institution de la ville arabe, refuge depuis un siècle des étrangers, qu’ils soient pèlerins, diplomates, humanitaires, journalistes, artistes ou simples touristes, est devenue, en raison de la crise sanitaire, un hôtel israélien comme les autres.

« Hôtel de l’OLP »

Il n’y a pourtant rien d’évident à ce que des juifs israéliens se pressent en nombre dans cet établissement dominant le vallon de Cheikh Jarrah, lieu de conflit douloureux, où des émeutes entre habitants palestiniens et colons israéliens ont enflammé le pays au mois de mai et provoqué une guerre à Gaza. Le quotidien Haaretz qualifiait lui-même, en août, l’American Colony d’« hôtel de l’OLP ». Le journal de la gauche israélienne se souvenait que, dès les années 1980, des représentants de l’Organisation de libération de la Palestine, alors présidée par Yasser Arafat, y avaient mené des négociations discrètes. Elles avaient abouti aux accords de paix d’Oslo, en 1993.

A l’American Colony, les employés sont quasiment tous palestiniens. « Tout ici parle arabe, les murs comme les gens, note Mahmoud Muna, le libraire de l’hôtel. Une large part des clients internationaux travaillent eux-mêmes avec la Palestine. » Cet intellectuel jovial, la quarantaine, se dit « déchiré » entre son désir d’accueillir à bras ouverts ces clients inespérés et celui de leur faire comprendre qu’ils sont « dans un endroit spécial, à la fois dans le même pays et dans un pays différent ». Car Jérusalem-Est, ville conquise par Israël en 1967 puis annexée, demeure, selon le droit international, la future capitale d’un hypothétique Etat palestinien.

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