Pour les 20 ans de Futura, Gilles Babinet, entrepreneur et coprésident du Conseil national du Numérique, s’associe à la rédaction pour vous proposer tout au long de cette journée particulière, des sujets qui agitent la communauté numérique. Les articles que vous découvrirez aujourd’hui ont pour ambition de faire un pas de côté, de susciter des interrogations différentes et de proposer une rencontre entre science et société sur des sujets inéluctables autour du numérique.
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[EN VIDÉO] Les 20 ans de Futura avec Gilles Babinet Actuellement co-président du Conseil national du numérique et « digital champion » de la France auprès de la Commission européenne, Gilles Babinet prend les commandes de Futura à l’occasion de nos 20 ans. Honneur à la tech !
L’éclosion des technologies de ces dernières années pourrait-elle être la réponse à la crise climatique ? C’est ce que suggèrent plusieurs études et rapports portant sur les intelligences artificielles et sur leur utilité dans la lutte contre le dérèglement du climat. Une étude nommée Tackling Climate Change with Machine Learning et publiée en 2019 avait notamment fait parler d’elle car elle explorait les possibilités offertes par les intelligences artificielle, de plus en plus présentes dans nos vies quotidiennes. Correctement maîtrisées, celles-ci pourraient aider à lutter contre le réchauffement climatique.
L’IA, outil de lutte contre la crise climatique
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est présente partout : dans les algorithmes de propositions de contenus, sur des plateformes comme TikTok, YouTube ou Netflix, avec l’automatisation grandissante de certains modèles de voitures comme les Tesla ou encore par le biais d’assistants vocaux comme Siri, Alexa ou Google Home. L’installation des IA dans la société moderne permet un plus grand confort de vie, mais peut aussi être utile pour résoudre des problématiques écologiques. L’étude Tackling Climate Change with Machine Learning, dirigée par David Rolnick, professeur à l’Université McGill de Montréal, axe l’utilisation des IA sur plusieurs domaines concernés par la transition écologique : les transports, l’énergie, la construction de villes ou encore l’industrie.
Dans certaines régions du monde, l’intelligence artificielle est déjà mise à profit de la transition écologique. Le mastodonte chinois Tencent avait annoncé en 2020 se lancer dans la construction d’une ville ultramoderne, Net City, écologique et sans voiture, régie par la technologie et l’intelligence artificielle. L’utopie chinoise, dont le coût est estimé à 1,2 milliard de dollars, est toujours en cours d’élaboration et se base sur le succès des ports automatisés et autonomes se répandant sur le littoral chinois. En parallèle, près de 500 villes intelligentes sont actuellement créées en Chine, et devraient permettre à la superpuissance de « verdir » ses métropoles, souvent classées comme les plus polluantes du monde.
En parallèle, la rénovation énergétique pourrait aussi bénéficier de l’efficacité des intelligences artificielles. Le secteur résidentiel émet 20 % de gaz à effet de serre au niveau national, de nombreux bâtiments nécessitent un apport d’énergie considérable et des firmes proposent d’accroître la performance énergétique des installations vétustes grâce aux nouvelles technologies. Des IA sont aujourd’hui créées pour cartographier et acquérir des données sur les différentes zones à rénover car ne correspondant plus aux normes énergétiques actuelles, comme le propose ainsi la société NamR.
À l’échelle de l’industrie, l’utilisation de l’intelligence artificielle pourrait permettre d’améliorer les conditions de production : trouver les matériaux les moins polluants, effectuer des chaînes de ravitaillement plus courtes et moins polluantes. Des domaines, comme l’agriculture, pourraient aussi bénéficier des avantages liés aux IA, en mettant en place une technique appelée « agriculture de précision ». L’Université de Sydney a ainsi conçu le robot Rippa, alimenté par énergie solaire et équipé d’une caméra hyperspectrale, cette dernière permettant de cibler les zones dans lesquelles des épandages de pesticides nécessitent d’être réalisés. Autonome, Rippa est programmé pour effectuer des tâches comme le désherbage ou l’entretien général de parcelles agricoles.
Le secteur tertiaire, réunissant 75 % des travailleurs français, n’est pas en reste : les IA pourraient à terme fournir une gestion viable de la gestion de ressources, comme l’épuration des eaux usées ou le recyclage des déchets. L’entreprise toulousaine Ffly4u propose par exemple un boîtier fixé aux bennes de chantier permettant de recueillir des données sur le contenant de ces bennes et ainsi offrir un tracking des déchets. Il serait alors possible pour les entreprises en bâtiment ou les déchetteries d’en savoir plus sur les quantités de pertes à recycler ou offrir de nouvelles solutions de stockage.
Pour mettre en place ces systèmes autonomes, il faut recourir au Machine Learning (ou apprentissage automatique en français), méthode permettant aux ordinateurs d’utiliser des données sur un sujet afin d’apprendre et de s’améliorer en continu en utilisant des calculs statistiques et mathématiques. L’amélioration des IA est aussi synonyme de meilleures simulations concernant les évolutions climatologiques et permet d’anticiper l’impact de la crise climatique sur les continents et les populations. Les intelligences artificielles représentent donc un réel progrès, mais ont aussi un coût énergétique qui pourrait peser en leur défaveur.
Un fort tribut écologique ?
Si l’intelligence artificielle permet donc de trouver des réponses à certains enjeux majeurs, elle créée en revanche d’autres problèmes : la production de terminaux et autres équipements informatiques tels que les data centers qui laissent une forte empreinte carbone d’autant plus importante que ces appareils sont créés et assemblés dans des pays d’Asie centrale et du Sud-Est, dans lesquels la consommation d’énergie peut s’avérer extrêmement polluante.
En revanche, l’usage des équipements numériques et les consommations électriques induites ne représentent qu’une part marginale des émissions de CO2. De surcroît, avec l’essor des intelligences artificielles et de l’automatisation, les data centers devraient connaître une optimisation de leur performance énergétique. Selon une étude commandée par le Sénat en 2019, la pollution liée aux data centers pourrait bien augmenter de 86 % d’ici 2040 en raison de l’augmentation de la consommation des services numériques par les ménages français, mais l’étude n’intègre pas les gains obtenus grâce à l’optimisation des performances des datacenters, ni ceux du mix énergétique français qui fait la part belle au nucléaire et qui est donc très faiblement carbonné, contrebalançant la pollution induite par l’utilisation des intelligences artificielles. L’avenir dira si ces nouvelles initiatives aideront la civilisation à sortir de la crise climatique.
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