Deux bombes artisanales ont explosé dans la ville de Beni, dimanche 27 juin, dont une à l’intérieur d’une église – une première dans cette région de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) où sévissent les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé affilié aux djihadistes de l’Etat islamique (EI), selon les Etats-Unis.
Le colonel Narcisse Muteba, policier et également maire de Beni, a décrété dimanche soir un couvre-feu dans la ville. « Je ne veux voir personne dans la rue, que tout le monde se barricade parce que d’après les informations à notre disposition, il y a quelque chose qui se prépare encore. Je ne veux voir que des policiers et des militaires dans les rues », a-t-il déclaré à la presse.
Une première bombe a détoné dimanche à 6 heures : « une bombe artisanale » placée à l’intérieur d’une église catholique assomptionniste, a déclaré à l’AFP le colonel Muteba. Deux femmes ont été blessées, l’explosion ayant eu lieu avant l’heure d’affluence des fidèles pour une importante cérémonie de sacrement de confirmation aux enfants, a précisé à l’AFP le vicaire général de Beni, Mgr Laurent Sondirya. « Ils ont visé une grande foule parce que la cérémonie va réunir des enfants, leurs parents et des fidèles », a expliqué le prélat, ajoutant : « La messe pour administrer le sacrement de confirmation ne sera pas reportée. »
Des traces de sang étaient visibles à l’entrée de l’église. Des éclats de vitres et des morceaux de bois étaient éparpillés à l’intérieur, à côté d’appareils de sonorisation très endommagés. « Je venais d’entrer dans l’église, à peine je voulais m’asseoir j’ai entendu “boum”. Du sang a commencé à couler de ma bouche. J’ai perdu quatre dents », témoigne, sur son lit d’hôpital, Antoinette Kavira, l’une des victimes, également blessée aux bras. C’est la première fois qu’un édifice appartenant à l’Eglise catholique, religion la plus importante dans la ville, est directement ciblé dans le territoire de Beni.
Attaques, massacres et décapitations
Quelques heures plus tard, vers 19 h 30, le porteur d’une deuxième bombe a été tué dans l’explosion de son engin près d’un bar où une dizaine de personnes buvaient de la bière, dans la commune de Rwenzori, a déclaré le colonel Muteba. Samedi, une bombe avait déjà explosé en périphérie de la ville, à côté d’une station d’essence, sans faire de dégâts. « C’était une bombe artisanale cachée sous un camion-remorque, mais mes services ont cru qu’il s’agissait d’une crevaison. Ce matin, j’ai constaté qu’il y avait des éclats exactement comme dans l’église », indique le maire de Beni.
La région est terrorisée depuis des années par les ADF, qui ne revendiquent jamais leurs attaques, massacres et décapitations. A l’origine des rebelles musulmans ougandais, les ADF ont fait souche depuis plus de vingt-cinq ans dans la province du Nord-Kivu. Ils ont cessé leurs opérations contre l’Ouganda voisin et sont accusés d’avoir massacré des milliers de civils. Le 11 mars, les Etats-Unis ont placé les ADF parmi les « groupes terroristes » affiliés à l’EI. De nombreuses questions se posent depuis lors sur la réalité et la profondeur de leurs liens supposés avec l’organisation terroriste. Depuis 2019, cette dernière a revendiqué, images à l’appui et sur ses canaux de communication habituels via les réseaux sociaux, certaines des attaques attribuées aux ADF.
Le 6 mai, le président Félix Tshisekedi a décrété l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, en vue de mettre un terme aux activités meurtrières de la centaine de groupes armés locaux et étrangers recensés dans l’est congolais par le Baromètre sécuritaire du Kivu. Les ADF sont le plus meurtrier de ces groupes. Mi-juin, le chef de l’Etat s’est rendu à Beni, où il a appelé la population à « collaborer » avec les forces de sécurité face à cet « ennemi sournois ».
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