Les Péruviens s’attendaient à une élection serrée dimanche 6 juin. Ils n’imaginaient toutefois pas que le fauteuil présidentiel se jouerait à quelques dizaines de milliers de voix. C’est les yeux rivés sur le décompte de l’organisme électoral qu’ils ont passé les vingt-quatre dernières heures. Lundi soir, ils se préparaient à une nouvelle nuit d’attente pour connaître le visage de leur prochain président.
Donnée en tête du scrutin dimanche soir, avec 6 points d’avance, la candidate de la droite autoritaire et populiste, Keiko Fujimori, est passée derrière le candidat de la gauche radicale, Pedro Castillo, en milieu de journée, lundi. En fin de journée, Mme Fujimori a convoqué une conférence de presse pour dénoncer des « fraudes systématiques » : « Il existe une claire intention de saboter la volonté du peuple », a-t-elle affirmé, en montrant des photos et des vidéos. Les observateurs internationaux ont, eux, salué le bon déroulement du scrutin. L’association péruvienne Transparencia a déclaré, par la voix de sa présidente, Adriana Urrutia, qu’il n’y avait « aucune preuve » de fraude électorale.
A 95 % du dépouillement, Pedro Castillo mène donc avec une légère avance : 50,28 % contre 49,71 %. Un écart de 98 000 voix sur les 25 millions de votants, qui fluctue d’heure en heure. Seuls un tiers des votes des Péruviens de l’étranger avaient été dépouillés lundi soir. Avec quasi un million de votants, notamment aux Etats-Unis et en Espagne, ils pourraient faire pencher la balance en faveur de Keiko Fujimori. Le vote rural en revanche, dont les derniers bulletins des zones les plus éloignées des Andes ou d’Amazonie ne sont pas encore comptabilisés, pourrait au contraire confirmer l’avance de Castillo.
Deux candidats que tout oppose
De fait, le pays se retrouve plongé dans l’incertitude avec l’option de deux candidats que tout oppose. D’un côté, l’instituteur Pedro Castillo, quasi inconnu en politique il y a encore quelques mois et qui n’a exercé aucun mandat d’élu. Syndicaliste, il s’était distingué comme leader lors d’une grève enseignante en 2017 avant de retomber dans un relatif oubli. Le jour de l’élection, dimanche, c’est dans son fief, une zone rurale du nord du Pérou, à Tacabamba (région de Cajamarca), qu’il a reçu les premiers résultats, entouré de sa famille, son épouse, une institutrice comme lui, et ses parents, de petits agriculteurs.
Keiko Fujimori (au centre), à Lima, le 7 juin 2021. LUKA GONZALES / AFP
Une photo de famille qui contraste avec celle du clan Fujimori, une famille, elle, bien connue de la politique péruvienne et au lourd passé. Keiko Fujimori dispute sa troisième élection. Fille de l’ex-autocrate Alberto Fujimori – président de 1990 à 2000 et qui purge une peine de vingt-cinq ans de prison pour crimes contre les droits humains et corruption –, elle est elle-même poursuivie pour blanchiment d’argent et appartenance au crime organisé. Elle a effectué seize mois de détention préventive, avant d’être libérée sous caution, en mai 2020, en raison de la pandémie de Covid-19. Elle risque trente ans de prison. Fidèle héritière du patriarche, elle n’a jamais rompu avec la marque de fabrique du fujimorisme, entre autoritarisme et populisme. Même si elle a reconnu des « erreurs », elle n’a pas condamné les crimes de son père. Elle a même assuré pendant la campagne vouloir le gracier si elle était élue.
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