France World

Pékin cherche idiots utiles désespérément

A Pékin, en 1996, devant une peinture représentant l’ancien président chinois, Mao Tsé-toung, interviewé par le journaliste américain Edgar Snow. A Pékin, en 1996, devant une peinture représentant l’ancien président chinois, Mao Tsé-toung, interviewé par le journaliste américain Edgar Snow.

LETTRE DE PÉKIN

La conférence de presse annuelle du ministre des affaires étrangères, Wang Yi, touche à sa fin. Juste une dernière question. Elle revient à un jeune journaliste du China Daily, le quotidien du Parti communiste en langue anglaise. Celui-ci se fait le porte-parole « d’internautes du monde entier ». « Nous avons remarqué que des médias étrangers, notamment occidentaux, ont tendance à avoir une approche sélective quand ils couvrent la Chine. Les gens se souviennent du temps où, à Yan’an, le journaliste américain Edgar Snow, avec son livre Etoile rouge sur la Chine, a fait connaître le Parti communiste chinois au monde entier. Pensez-vous qu’il soit possible d’avoir un autre Edgar Snow aujourd’hui ? ».

Cela tombe bien : le ministre a justement envie d’évoquer ce sujet. « Snow n’était pas communiste. Mais quand il s’agissait du Parti communiste chinois, il n’avait pas de biais idéologique, il disait la vérité, était objectif. (…) Avec un professionnalisme et une morale éthique admirables, il a consacré sa vie à améliorer la compréhension mutuelle entre les Chinois et les Américains. (…) Même si le monde change, les médias devraient garder leur éthique professionnelle. (…) La Chine espère voir et accueillir davantage d’Edgar Snow de cette nouvelle ère parmi les journalistes étrangers. »

Cet échange ne doit évidemment rien au hasard. Quelques semaines plus tard, le 18 avril, dans un entretien à Associated Press, Le Yucheng, vice-ministre des affaires étrangères, enfonce le clou : « Amis des médias, j’espère que vous allez tous devenir des Edgar Snow de la nouvelle ère. »

Accueilli comme un chef d’Etat

Né en 1905 dans le Missouri, Edgar Snow débarque en Chine en 1928. Il y mène une vie de bobo, côtoyant les milieux intellectuels et artistiques de Shanghaï et de Pékin. A l’issue de la Longue Marche, en 1935, Mao a établi son QG à l’intérieur du pays, dans le Shaanxi, à Yan’an. Il y restera plus d’une dizaine d’années. Assiégés par les nationalistes, les communistes ont une idée de génie : inviter un journaliste occidental afin de prouver qu’ils sont loin d’avoir capitulé. Leur choix se porte sur Edgar Snow, connu par les réseaux communistes pour ses idées de gauche. L’homme sera accueilli à Yan’an avec les honneurs d’un chef d’Etat. Il passera des dizaines d’heures avec Mao, discutant avec lui jusqu’au cœur de la nuit. Le livre qu’il tirera de ces entretiens – relu par l’entourage de Mao avant publication – décrit les communistes comme « des patriotes idéalistes et des démocrates épris d’égalité », selon l’historienne Julia Lovell. Aujourd’hui encore, on trouve Etoile rouge sur la Chine dans toutes les librairies du pays.

Il vous reste 51.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source

L’article Pékin cherche idiots utiles désespérément est apparu en premier sur zimo news.