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La Syrie, plaque tournante du trafic du Captagon, la « cocaïne du pauvre »

Des soldats patrouillent pour empêcher les trafics, lors d’une tournée organisée par l’armée jordanienne, le long de la frontière avec la Syrie, le 17 février 2022. KHALIL MAZRAAWI / AFP

Sous l’œil des caméras déployées le long de la frontière qui sépare la Jordanie de la Syrie, une zone traditionnelle de contrebande au milieu du désert, c’est un curieux ballet qu’observent depuis des mois les forces de sécurité jordaniennes.

« On a des vidéos qui prouvent une coopération entre les passeurs de drogue et les gardes-frontières syriens », affirme le colonel Mustafa Heyari. Elles montrent des passeurs se réfugiant dans des postes frontaliers lorsque les gardes-frontières jordaniens ouvrent le feu. Des caméras ont filmé l’arrivée, dans ces installations, d’hommes à bord de véhicules non identifiés, suspectés d’appartenir à des milices, pour faire voler des drones chargés de drogue vers la Jordanie. Depuis la reconquête du Sud syrien par les forces loyales au président Bachar Al-Assad en 2018, la contrebande de stupéfiants a explosé le long de cette frontière de près de 400 kilomètres.

Au cœur de ce trafic, alimenté par la guerre qui sévit en Syrie depuis 2011 et par la crise économique, se trouve le Captagon, une amphétamine facile à produire et bon marché. « La Syrie est devenue un centre de production de drogues, à la fois de Captagon et de haschich. Et la région frontalière est une zone grise, entre guerre et paix, où les gens sont recrutés par les trafiquants et les milices », déplore le colonel Heyari.

La consommation de drogues augmente dans le royaume hachémite, sur fond de flambée du chômage, mais le pays sert surtout de transit vers l’Arabie saoudite, principale destination du trafic de Captagon depuis la Syrie. La « cocaïne du pauvre », très prisée de la jeunesse saoudienne, se vend là-bas au moins dix fois plus cher (environ 15 euros le comprimé).

La Syrie, un « narco-Etat »

L’ampleur du phénomène est telle que les experts décrivent la Syrie comme un « narco-Etat ». Le commerce de stupéfiants est devenu une source principale de revenus dans un pays dont l’économie s’est effondrée sous le poids de la guerre et des sanctions. « Bien que le trafic de Captagon fît autrefois partie des sources de financement utilisées par les groupes armés antiétatiques, la consolidation du contrôle territorial par le régime Assad et ses alliés régionaux leur a permis de devenir les principaux bénéficiaires du trafic de stupéfiants », notait le Center for Operational Analysis and Research (COAR), basé à Chypre, dans un rapport publié en 2021.

Depuis 2017, des saisies d’envergure ont été réalisées dans les pays limitrophes (Irak, Jordanie, Liban, Turquie) et le Golfe, mais aussi dans des ports d’Italie et de Grèce. Sur la base des prises rendues publiques en 2021, l’institut américain New Lines estime, dans une étude parue en avril, la valeur potentielle des exportations de drogue syriennes à plus de 5,7 milliards de dollars (environ 5,1 milliards d’euros).

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