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Elena Kostioutchenko, une plume dans les plaies de l’Ukraine

Par Benoît Vitkine

Publié aujourd’hui à 07h00

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PortraitEn exil en Europe le temps d’écrire un livre, la journaliste russe a prévu de rentrer dans son pays, où elle risque la prison pour les reportages sur « l’opération militaire spéciale » en Ukraine qu’elle a réalisés pour « Novaïa Gazeta », malgré la censure.

Grande admiratrice du travail de la journaliste Anna Politkovskaïa, Elena Kostioutchenko a intégré la rédaction de Novaïa Gazeta à l’âge de 16 ans comme stagiaire. TWITTER

Chez certains, la phrase pourrait sonner comme une posture : « Entre la prison et l’émigration, je choisis la ­prison. » Pas chez Elena Kostioutchenko, journaliste à l’intégrité exemplaire, qui s’accorde seulement une pause, quelque part en Europe, le temps d’écrire un livre. Puis elle rentrera en Russie affronter le destin qu’elle s’est choisi. La jeune femme de 34 ans ajoute : « Je n’ai pas honte de mon travail. Au contraire, je suis fière de ce qu’on a fait. »

Ce qu’elle a fait, Elena Kostioutchenko, c’est être la dernière journaliste d’un média russe indépendant à travailler en Ukraine, affrontant aussi bien les difficultés du terrain que, à l’arrière, les rigueurs de la censure militaire.

« Je suis arrivée sans rien, et tout au long de ma mission, des Ukrainiens m’ont aidée. Malgré ce qu’on dit sur la coupure entre les deux peuples, cela reste important pour les Ukrainiens de faire entendre leur voix ­directement en Russie. » Elena Kostioutchenko

Au premier jour de « l’opération militaire spéciale » décidée par Vladimir Poutine, le 24 février, le journal Novaïa Gazeta dépêche deux envoyés spéciaux en Ukraine : l’un est arrêté par le FSB, le service fédéral de sécurité, avant de passer la frontière ; l’autre, Elena Kostioutchenko, rentre par la Pologne. « Je suis arrivée sans rien, et tout au long de ma mission, des Ukrainiens m’ont aidée, explique la journaliste. Malgré ce qu’on dit sur la coupure entre les deux peuples, cela reste important pour les Ukrainiens de faire entendre leur voix directement en Russie. »

D’autres journalistes indépendants russes travaillent en Ukraine, mais pour des médias ayant dû se résoudre à l’exil. La Novaïa Gazeta, journal légendaire du prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov, est le dernier à résister, survivant tant bien que mal en Russie.

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Elena Kostioutchenko a séjourné dans le pays durant plus d’un mois, signant des reportages d’Odessa, de Mykolaïv ou de Kherson. On y retrouve le style qui a fait d’elle l’une des grandes plumes de Novaïa : de longs monologues des personnes interrogées, une sensibilité extrême, le souci du détail et de la précision.

Autant de qualités qu’elle a l’habitude de déployer sur des sujets divers – le conflit dans le Donbass de 2014-2015, les internats psychiatriques pour adultes, la pollution à Norilsk, cité minière du grand nord sibérien, ou les prostituées des autoroutes russes, des sujets souvent délaissés par les médias russes et qu’elle a traités avec un brio unanimement reconnu.

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