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pourquoi l’UCI envisage de mettre en place un plafond salarial

Dans un entretien accordé à Wielerflits, le président de l’UCI, David Lappartient, a confié travailler sur un projet de plafond salarial en collaboration avec l’AIGCP (Association internationale des groupes cyclistes professionnels). Si cette mesure venait à être adoptée par l’instance, elle pourrait bousculer le statu quo ainsi que l’hégémonie de certaines équipes, dont UAE et Ineos.

L’image avait fait grincer quelques dents. Christophe Laporte célébrant sa victoire sur la première étape de Paris-Nice en mars dernier. Et juste derrière le Français, Wout van Aert et Primoz Roglic fêtant eux aussi le succès de leur coéquipier, loin devant le reste du peloton. Entre suspicion hâtive et déception de voir une équipe dominer à ce point une course, ce triplé de la Jumbo-Visma a globalement peu enchanté les observateurs du cyclisme.

Cette performance est l’un des symptômes de l’écart croissant entre certaines équipes du peloton professionnel, ayant une force de frappe financière colossale, et le reste du paquet. « L’écart croissant dans les différences de budget entre les différentes équipes du WorldTour est un problème sur la table, affirme David Lappartient, président de l’UCI, pour Wielerflits. C’est définitivement un point à l’ordre du jour, car nous ne voulons pas que tous les bons coureurs soient dans quelques équipes. Il doit y avoir un champ de bataille sportif équilibré.”

Parmi les solutions envisagées par l’UCI, il y a celle du plafond salarial (ou salary cap), très populaire aux Etats-Unis. Cette pratique consiste à fixer une limite à la masse salariale de chaque équipe afin de maintenir un certain équilibre sportif. “C’est vrai que nous en discutons actuellement avec le groupement d’intérêt des équipes, l’AIGCP, pour avoir plus d’équilibre entre les différentes équipes”, confie Lappartient. Cette réglementation est appliquée dans la majorité des ligues sportives américaines. Par exemple en MLS, ce plafond empêche des clubs comme Atlanta ou les deux écuries de Los Angeles d’exploiter l’intégralité de leur manne financière et ainsi maintenir un certain équilibre sportif. Seule subtilité dans le championnat américain, celle du joueur désigné, permettant au club de faire une entorse au règlement et d’offrir un salaire conséquent à trois de leurs joueurs. Si le plafond salarial arrivait dans le peloton professionnel, l’instauration du “coureur désigné » pourrait permettre à certaines superpuissances du cyclisme de conserver leur coureur star.

La proposition du plafond salarial aurait pour but d’endiguer la domination d’une frange d’équipes WorldTour. Dans le viseur de l’UCI, il y a les trois plus gros budgets du peloton en 2021. La formation anglaise Ineos-Grenadier, détenue par la famille Ratcliffe, est la plus grosse puissance du peloton avec 50 millions d’euros. Derrière les Britanniques, suivent le Team UAE, sponsorisé par les Emirats Arabes Unis, avec 35 millions d’euros et les Néerlandais de la Jumbo-Visma avec 27 millions d’euros. On retrouve d’ailleurs ces trois équipes dans le top 4 des formations les plus performantes cette saison, preuve que l’apport financier colossal fausse l’aspect sportif. Avec 50 millions d’euros annuel, le budget d’Ineos-Grenadier (ex-Sky) est égal à celui d’Astana, Alpecin Fenix, Bike Exchange et Arkéa-Samsic réunis.

Avec de tels budgets, Ineos et UAE peuvent alors attirer les meilleurs coureurs des autres équipes et leur offrir un salaire attrayant, quitte à les faire reculer dans la hiérarchie. C’est le cas de Michał Kwiatkowski, qui a quitté la Quick-Step en 2016 pour rejoindre la Sky. Si le champion du monde 2014 était un leader dans la formation belge, sous la direction de Dave Brailsford, il devient un équipier de Chris Froome. Malgré ce rôle d’équipier de luxe, Kwiatkowski touche le sixième plus gros salaire du peloton en 2021, devant Wout van Aert et Julian Alaphilippe, pourtant leaders incontestables dans leur équipes respectives.

Si Ineos se sert de ses moyens abyssales pour offrir un pont d’or à ses équipiers, UAE s’en sert pour empiler les leaders. En 2022, l’équipe dirigée par Giuseppe Saronni a enregistré les arrivées de Pascal Ackermann, ancien sprinteur maison de Bora-Hansgrohe, Joao Almeida, 4e du Giro 2020, Marc Soler ou encore George Bennett. Ces arrivées s’ajoutent à celles de Tadej Pogačar, ayant le plus gros salaire du peloton avec 6 millions euros annuel selon Statista, et Marc Hirschi en 2019 et 2021.

Le plafond salarial pourrait donc endiguer le monopole des leaders en obligeant les équipes les plus fortunées à concentrer leur effort sur un ou deux leaders, laissant les autres grands noms du cyclisme aux équipes plus modestes, du moins en théorie. Si le projet semble alléchant sportivement, il comporte quelques failles. Pour le contourner, les plus grosses équipes pourraient proposer des primes de courses démesurées, lesquelles seraient des salaires informels.

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