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Vu à Marseille, le 6 avril 2022. Montage des affiches électorales des deux candidats sélectionnés pour le second tour de la présidentielle le 24 avril : Emmanuel Macron (LRM) et Marine Le Pen. NICOLAS TUCAT / AFP
Nacer Djabi est sociologue, qui vit à Alger. Auteur de nombreux travaux sur les mouvements sociaux et le syndicalisme en Algérie, il a publié en 2019 le livre Les Mouvements amazighs en Afrique du Nord (Chihab Editions).
Il est l’un des inspirateurs de l’Appel du 22 octobre 2020, appelé aussi Nidaa 22, regroupant des militants du Hirak, le mouvement antisystème désireux d’organiser « une transition démocratique réelle » en Algérie.
Comment vous voyez cette campagne électorale en France ? Qu’est-ce qu’elle traduit à vos yeux de l’évolution de la société française ?
Nacer Djabi La France vit actuellement une situation qui ne lui est pas spécifique. On la constate aussi dans toute l’Europe occidentale et même au-delà. Les partis de gauche traditionnels sont faibles, les mouvements sociaux sont faibles. En face, la droite et l’extrême droite progressent. On le sent dans les pratiques, dans les discours. On le voit aussi dans les partis politiques et au sein des élites. C’est un enfermement. L’Europe blanche, riche et chrétienne se barricade. Elle a peur des Africains, des Arabes, des musulmans, peur de l’Autre.
Je n’aurais jamais pensé que quelqu’un comme Zemmour puisse s’exprimer ainsi, presque quotidiennement, dans des médias français de grande audience. C’est nouveau. Le Pen père n’avait jamais bénéficié de ce type de privilège. Chirac l’avait même récusé comme partenaire dans une émission. Zemmour dit aujourd’hui des choses qui sont très choquantes pour moi, Algérien, qui ai vécu dans la France des années 1980, fait des études et connais un peu la vie intellectuelle et culturelle française.
A quoi attribuez-vous cette banalisation d’un discours d’extrême droite ?
Ce phénomène n’affecte pas que la France et les Français. On a aussi en Algérie ce genre de discours populiste, d’extrême droite, identitaire. Il n’est pas très apparent au niveau des chaînes de télévision, mais il existe dans la presse écrite et au sein des élites politiques. Cette tendance à l’enfermement identitaire est internationale. Mais elle interroge concernant la France, qui a été une civilisation d’ouverture.
Quelles pourraient être les conséquences pour l’Algérie d’une arrivée de Marine Le Pen au pouvoir en France ?
Cela chamboulerait les relations algéro-françaises. J’ai surtout peur pour les immigrés, pour les Algériens installés en France depuis des générations. Je ne crois pas à ce que Marine Le Pen a déclaré pendant sa campagne, quand elle a essayé de se faire passer pour une femme gentille et douce. Elle veut nous faire croire qu’elle a opéré une coupure avec son père. Mais son père était un tortionnaire en Algérie. Il le dit et il en est fier. Elle a baigné dans ce milieu. Je ne crois pas qu’elle peut passer, mais c’est un risque. L’extrême droite est là, en France, pour un bon moment.
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