A Auchan qui défend le maintien de ses activités en Russie, malgré l’appel du président ukrainien Volodomyr Zelensky, Kiev a répondu dimanche en accentuant la pression par un appel au boycott.
« Si Auchan ignore les 139 enfants ukrainiens assassinés pendant ce mois d’invasion russe, ignorons Auchan et tous ses produits », a lancé le chef de la diplomatie Dmytro Kouleba, dans un message sur Twitter.
Il s’exprimait quelques heures après que le groupe français a annoncé maintenir ses activités en Russie, arguant notamment de la nécessité de soutenir le pouvoir d’achat des Russes.
« Apparemment, les pertes d’emploi en Russie sont plus importantes que les morts en Ukraine », a écrit le ministre des Affaires étrangères ukrainien, qui réitère ainsi un appel déjà envoyé la veille, avant la réponse d’Auchan.
L’enseigne est présente en Russie depuis une vingtaine d’années et emploie 30.000 personnes.
Mercredi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dans un message au Parlement français, avait exhorté les entreprises françaises implantées en Russie à cesser de soutenir « la machine de guerre » russe et à quitter ce pays, citant Renault, Auchan et Leroy Merlin.
– Un choix « pas simple » –
Dans un entretien au Journal du Dimanche, le PDG d’Auchan Retail International Yves Claude a défendu un choix « pas simple ». « Partir serait imaginable sur le plan économique mais pas du point de vue humain », a-t-il argué.
Auchan, qui appartient à la galaxie Mulliez, premier employeur étranger en Russie avec 77.500 employés, réalise 10% de ses ventes mondiales en Russie, où l’enseigne a « un positionnement de discounter ». « Nous pensons contribuer en période de forte inflation à protéger le pouvoir d’achat des habitants », souligne M. Claude, précisant ne pas vouloir priver ses salariés, dont 40% sont actionnaires, de leur emploi et ses clients de leur pain quotidien.
Auchan prévoit en outre des pertes pour 2022 dans le pays.
Contacté après le tweet dimanche de Dmytro Kouleba, Auchan a indiqué « ne pas souhaiter s’exprimer au-delà de l’entretien au JDD ».
« Il est facile de nous critiquer, mais nous on est là, on fait face et on agit pour la population civile », répond dans l’hebdomadaire Yves Claude aux critiques qui appellent l’association familiale Mulliez (Leroy Merlin, Auchan ou Decathlon) à quitter la Russie, estimant que ses enseignes font d’elle un des plus gros contribuables pour le budget de l’Etat russe.
Il rappelle qu’Auchan a suspendu ses investissements en Russie et que sa filiale (232 magasins et des activités de commerce en ligne) y fonctionne « en autarcie ».
Comme d’autres groupes, il fait également valoir qu’un retrait exposerait ses dirigeants locaux à des poursuites et renflouerait les capitaux russes, une décision « contre-productive ».
« Je me sens soutenu par mes actionnaires, mes collaborateurs et nos partenaires sociaux » mais aussi par des hommes politiques, affirme Yves Claude, interrogé sur les conséquences de ce maintien sur l’image du groupe.
Il cite notamment le président LR des Hauts-de-France Xavier Bertrand. Celui-ci avait mis en garde jeudi contre les conséquences économiques d’un retrait de Russie des enseignes de l’association Mulliez.
Adeo, la discrète holding de Leroy Merlin, avait réagi auprès de La Voix du Nord après l’interpellation du président Zelensky, en expliquant que fermer serait « considéré comme une faillite préméditée, donnant lieu à des expropriations ». « Ce serait faire un cadeau de l’entreprise et de ses actifs au régime russe, et renforcer la guerre », avait alors expliqué le directeur général Philippe Zimmermann.
Le président « Emmanuel Macron tout comme Bruno Le Maire laissent chaque entreprise décider », rappelle de son côté Yves Claude dans son interview dimanche.
En Ukraine, où Auchan opère 43 magasins (6.000 employés), les conditions sont « extrêmes » et des rupture de stocks de produits frais ont commencé à être observées car 90% des produits venaient de l’intérieur du pays. Des solutions d’approvisionnement depuis les pays limitrophes ont été mises en place cette semaine, précise le PDG.
Peu après l’appel de M. Zelensky, M. Kouleba avait appelé au boycott de Renault. Le constructeur automobile français avait ensuite annoncé suspendre immédiatement les activités de son usine de Moscou et évaluer « les options possibles concernant sa participation » dans sa grosse filiale russe, AvtoVAZ.
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