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Chine : l’art de corrompre au pays des « princes rouges »

Par Simon Leplâtre

Publié aujourd’hui à 16h50

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RécitDans son autobiographie, désormais disponible en français, Desmond Shum, un homme d’affaires chinois exilé à Londres, évoque, à travers son propre parcours et celui de son ex-femme, l’ampleur de la corruption des élites dans son pays.

Il est 4 heures du matin, ce 5 septembre 2021, mais Desmond Shum peine à trouver le sommeil. Dans deux jours, l’édition anglaise de son autobiographie doit paraître et révéler la corruption des élites dans son pays, la Chine. Cet ancien milliardaire s’attend au pire. Dans l’appartement londonien où il vit en exil depuis 2015, son téléphone vibre : on lui demande d’appeler son ex-femme, Whitney Duan, qui fut aussi sa partenaire dans les affaires pendant quinze ans. Voilà quatre ans qu’elle n’a pas donné signe de vie. Incréduble, il compose son numéro. Elle répond, indique être en liberté provisoire et tente de le convaincre de renoncer à la publication. Au passage, elle lui transmet les menaces de ceux qui la détiennent, évoquant même le « prix à payer » , dès lors que l’on provoque l’Etat chinois. « Et s’il arrivait quelque chose à Ariston ? », s’inquiète-t-elle au sujet de leur jeune fils.

Ce livre, intitulé La Roulette chinoise. Révélations d’un milliardaire rouge. Argent, pouvoir, corruption et vengeance dans la Chine d’aujourd’hui, paraît en français, mercredi 9 mars, aux éditions Saint-Simon (268 pages, 23 euros). Il offre un aperçu fascinant des liens entre riches entrepreneurs et hauts dirigeants du Parti communiste chinois (PCC), mais aussi des privilèges dont jouissent les « princes rouges », les héritiers des pères fondateurs du PCC. Un témoignage rare dans ce pays toujours plus fermé sur lui-même sous le règne de Xi Jinping, qui avait fait de la lutte contre la corruption sa priorité, à son arrivée au pouvoir, en 2012.

Des parents « rééduqués »

A l’approche de la sortie du livre en France, M. Shum a accordé un entretien vidéo au Monde, dans son appartement londonien, meublé d’un piano à queue et d’élégants canapés de velours rouge. L’occasion, pour ce grand gaillard au visage carré, nez fort et front dégarni, de revenir sur son parcours.

Il voit le jour à Shanghaï, en 1968, en pleine Révolution culturelle (1966-1976). Ses parents, enseignants, sont envoyés tour à tour à la campagne pour être « rééduqués ». A la première occasion, ils migrent vers Hongkong où vivent des membres de la famille. Le jeune Desmond y passera ses années de collège et de lycée, avant de partir étudier la finance aux Etats-Unis.

De son côté, Whitney Duan, issue d’une famille de petits fonctionnaires, n’a jamais quitté la Chine où elle a travaillé dur pour échapper à son milieu modeste. Son premier poste d’assistante d’un président d’université lui apprend les usages des décideurs du PCC, dont elle est elle-même devenue membre durant ses études. Après un passage dans un gouvernement local, puis chez un promoteur immobilier, propriété de l’armée, elle se lance à son compte en créant une entreprise, Great Ocean. Volontiers touche-à-tout, elle travaille aussi bien dans l’immobilier que dans la vente de serveurs informatiques.

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