La Banque centrale européenne (BCE) est passée d’une situation délicate à une situation impossible. Officiellement, son mandat lui ordonne de maintenir l’inflation autour de 2 %. Avec une hausse des prix de 5,8 % dans l’ensemble de la zone euro en février (et même autour de 14 % en Lituanie, 12 % en Estonie, 10 % en Belgique…), la BCE n’y est pas du tout.
Avant l’invasion de l’Ukraine, l’institution de Francfort avait donc prévenu : elle allait annoncer, lors de sa réunion du jeudi 10 mars, un retrait progressif de son soutien économique. Actuellement, elle injecte environ 60 milliards d’euros par mois dans les marchés. Ce rythme allait se réduire rapidement, peut-être à zéro d’ici à l’été. Ensuite, sans doute avant la fin de l’année, une hausse de son taux d’intérêt (actuellement de – 0,5 %) était envisageable.
Le choc ukrainien change tout. Il va ajouter de l’inflation, mais aussi réduire la croissance. Pour la BCE, retirer son soutien maintenant risquerait d’étouffer le rebond économique, fragile après deux années de pandémie de Covid-19. « La BCE est prise entre deux risques : soit elle augmente ses taux trop tôt, soit elle risque de laisser se développer une boucle prix-salaires », explique Eric Dor, directeur de la recherche à l’Iéseg, une école de commerce.
Intervention gouvernementale
L’espoir de la Banque centrale européenne est que le choc d’inflation finisse par retomber de lui-même d’ici à la fin de l’année, lorsque les prix de l’énergie se seront stabilisés. Mais cela fait bientôt un an qu’elle table sur un tel scénario, pour à chaque fois repousser la date à laquelle les prix commenceront à se calmer. Et la guerre en Ukraine peut faire craindre le pire : les économistes de J.P. Morgan parlent d’un baril de pétrole autour de… 185 dollars (170 euros) d’ici à la fin de l’année, ce qui serait un record historique (il était à près de 120 dollars, vendredi 4 mars).
Face au flou absolu de la situation, George Buckley, de la banque Nomura, estime que le plus sage serait de ne rien annoncer ce jeudi : « Les plans de la BCE vont probablement, pour le moment, être gelés. » Les autres banques centrales sont également prises en tenaille. Aux Etats-Unis, la Fed, qui a annoncé de longue date une hausse de son taux à sa réunion de mars, devrait s’exécuter. Mais Jerome Powell, son président, a parlé, mercredi 2 mars, d’une augmentation d’un quart de point (le taux est actuellement juste au-dessus de zéro) au lieu d’un demi-point, comme envisagé auparavant.
La Banque d’Angleterre, qui a déjà procédé à deux hausses depuis décembre, devrait continuer sur sa lancée en mars. Mais elle devrait s’arrêter dans quelques mois à un taux de 1 %, au lieu de 1,75 %-2 % comme anticipé jusqu’à présent, selon Andrew Goodwin, d’Oxford Economics.
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