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Guerre en Ukraine : minée par les inégalités, la Russie se dirige vers une récession historique

Devant un distributeur automatique de billets à Saint-Pétersbourg (Russie), le 28 février 2022. MARIA PETROVA POUR « LE MONDE »

« Dès les premières sanctions, ma mère a dit : “Surtout, fais le plein de médicaments”, raconte Youlia, une ingénieure moscovite, qui préfère garder l’anonymat. Nous avons vite compris qu’elle avait raison : tout ce qui vient de l’étranger va bientôt manquer. » Pour protéger ses économies face à l’effondrement du rouble, la jeune femme de 31 ans s’est précipitée en magasin pour acheter une poignée de bijoux et un ordinateur. « Cela vaudra toujours quelque chose. » Son frère Ivan, lui, s’est tourné vers les cryptomonnaies. « Mais, moi, je n’ai pas confiance. Si notre économie s’effondre, ce n’est pas avec des sous virtuels qu’on achètera du pain. »

Ciblée par une série de sanctions économiques sans précédent en réponse à l’invasion de l’Ukraine, en partie exclue du système financier mondial, la Russie est sur le point de plonger dans une profonde récession. « Il est très difficile d’en évaluer l’ampleur, car cela dépendra de l’évolution de la guerre et de la possible instauration de nouvelles sanctions, mais l’on estime que le produit intérieur brut pourrait plonger de 5 % à 10 % cette année », détaille Lysu Paez Cortez, économiste spécialiste du pays chez Natixis. Avec la même prudence, les équipes de Capital Economics tablent sur un choc comparable à la récession de 1998 (– 5,3 %), tandis que celles de JPMorgan jugent que le plongeon pourrait aller jusqu’à 35 % au deuxième trimestre, et 7 % sur l’ensemble de 2022.

« Défaut de paiement et crise sociale »

Depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, Vladimir Poutine a renforcé l’indépendance économique de son pays en musclant certaines filières industrielles et en réduisant l’exposition des réserves de la banque centrale (équivalant à 630 milliards de dollars, soit 580 milliards d’euros) au billet vert. Mais Moscou ne pourra guère tenir longtemps en autarcie, car les sanctions occidentales empêchent la banque centrale d’accéder à une grande partie des réserves détenues en devises étrangères – près de 400 milliards de dollars. « Dans quelques mois, voire semaines, la Russie pourrait plonger dans un défaut de paiement et une crise sociale comparable à celle traversée par l’Argentine en 2001 », juge Ludovic Subran, chef économiste chez Allianz.

L’économie sera affectée par différents canaux. L’exclusion de sept banques russes du réseau financier Swift, d’abord, est l’équivalent d’une énorme poignée de sable lancée dans la mécanique des échanges commerciaux du pays, compliquant le paiement des importations. « Les coûts de transaction vont exploser et engendrer des dysfonctionnements dans l’économie », ajoute Ludovic Subran. Ce qui pourrait se traduire par des pénuries, d’autant que de nombreuses marques occidentales – Ikea, Apple, Dell, Honda, Netflix, H&M… – ont annoncé suspendre leurs activités en Russie.

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