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A Kharkiv, en Ukraine, « la ville dans laquelle je vivais n’existe plus »

Dans le centre-ville de Kharkiv, la deuxième plus grande ville ukrainienne, le 6 mars 2022. SERGEY BOBOK / AFP

La deuxième ville d’Ukraine, Kharkiv (est), à majorité russophone, est la cible d’intenses bombardements depuis plusieurs jours. Denys Kobzin est un sociologue reconnu de cette métropole, située à 40 km de la Russie. Dans une interview accordée par téléphone au Monde, cet homme érudit et pondéré, aujourd’hui réfugié au sous-sol d’une vieille maison, décrit combien sa ville a changé de visage depuis le début de l’invasion russe, le 24 février.

A quoi ressemble Kharkiv aujourd’hui ?

C’est une horreur. La ville continue d’être systématiquement détruite. Les zones résidentielles où vivent des centaines de milliers de personnes sont constamment bombardées. Ce matin, un missile Grad a frappé des civils qui faisaient la queue pour acheter de la nourriture. Je n’arrive pas à croire que ça se produise ici.

Le centre-ville est presque en ruine, mais les Russes continuent leurs bombardements. Au moment où je vous parle, leurs avions ont frappé le bâtiment du procureur et la tour de télévision. Beaucoup de nos bâtiments patrimoniaux, construits il y a plus de cent ans et qui avaient survécu aux bombes nazies dans les années 1940, n’existent plus. Personne ne s’attendait à ce qu’on en arrive à une destruction ouverte et systématique de la ville comme l’ont été Stalingrad [en URSS] ou Alep [en Syrie]. Les gens ne peuvent pas quitter leurs abris pour acheter du pain en sécurité et ne peuvent plus dormir.

Un homme et son chat s’abritent dans le sous-sol d’un immeuble, après que les troupes russes ont bombardé la ville de Kharkiv (Ukraine), le 6 mars 2022. SERGEY BOBOK / AFP

Comment réagissent les prorusses ?

Tant de gens sont choqués. Ils n’arrivent à croire ce qui se passe. Pour eux, les actions de Poutine relèvent de la folie, ils n’en voient pas la logique. Ils appellent leurs proches en Russie, qui leur répètent ce que dit la propagande russe : « Les Ukrainiens s’entretuent entre eux : des nazis tuent des nazis. »

Pour les personnes âgées qui ont connu l’URSS et ont cru aux récits sur la « fraternité des nations », c’est particulièrement douloureux. De nombreux citoyens de Kharkiv sont eux-mêmes arrivés de Russie à l’époque soviétique. Aujourd’hui, ils se sentent très mal. Pour eux, en fait, c’est non seulement la destruction de Kharkiv, mais aussi de tout leur monde.

Un homme aide une vieille dame blessée à s’abriter dans le sous-sol d’un immeuble, alors que les bombes russes pleuvent sur Kharkiv, le 6 mars 2022. SERGEY BOBOK / AFP

L’annexion de la Crimée par Moscou en 2014 et les huit ans de guerre dans le Donbass ont forgé l’unité nationale et le patriotisme ukrainien. L’invasion russe renforce-t-elle encore ce phénomène ?

De nombreux habitants de Kharkiv qui ont essayé de ne pas s’impliquer dans la guerre du Donbass cherchent aujourd’hui à s’engager dans l’armée ou la défense territoriale. Beaucoup soutiennent les soldats, que ce soit avec de l’aide matérielle ou des mots encourageants. C’est paradoxal, mais ce que fait Poutine a rendu les habitants de Kharkiv beaucoup plus pro-ukrainiens qu’ils ne l’étaient auparavant.

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