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Guerre en Ukraine : « Je ne peux plus faire des affaires avec la Russie. Je suis prête à perdre mon travail. »

Olena Yashchuk Codet, guide touristique au parc Georges-Brassens, à Paris, le 6 mars 2022. NICOLA LO CALZO POUR «LE MONDE»

Olga de Truchis n’a pas tenu plus d’une journée. Impensable pour cette Ukrainienne de 39 ans, cadre dans une grande banque française en région parisienne, de poursuivre ses activités avec les partenaires et les clients russes de son employeur. Au lendemain de l’offensive russe en Ukraine, vendredi 25 février, elle adresse un e-mail à ses deux responsables leur indiquant qu’elle n’est plus en mesure « d’accompagner les activités de l’entreprise en Russie ».

C’était pourtant sa mission : Olga de Truchis avait intégré en avril 2021 une cellule consacrée au développement de l’établissement bancaire et de ses filiales dans ces territoires de l’Est. « Je ne peux plus faire des affaires avec la Russie, lance-t-elle. Mes chefs me soutiennent, mais je ne sais pas s’ils vont me réaffecter ou me laisser partir, qu’importe, je suis prête à perdre mon travail. » Dans la foulée, elle publie un message sur Facebook invitant ses « amis de l’Ouest » à la suivre. Quelques jours plus tard, dans un courrier daté du 3 mars, les salariés de l’entreprise, soutenus par la CGT, demandent à leur employeur de « suspendre ses activités avec la Russie ».

Olga de Truchis, cadre dans une grande banque française, sur l’esplanade de la Défense, à Paris, le 6 mars 2022. NICOLA LO CALZO POUR «LE MONDE»

Comme Olga de Truchis, de nombreux cadres ukrainiens travaillant en France, professionnellement en lien avec la Russie, se disent « prêts à choisir », quitte à perdre leur emploi ou leurs clients, à « souffrir financièrement », mais aussi à gommer le « gros plus » de leurs CV. Originaire d’un petit village situé à 30 kilomètres de Kiev, fille d’un journaliste et d’une professeure d’histoire à l’université, Olga de Truchis est russophone, comme tous ses compatriotes. Au-delà de ses compétences techniques, la maîtrise de la langue lui a permis de décrocher son premier emploi à son arrivée en France, en 2009. Et les autres ensuite.

« Un déchirement pour nous »

Choisir, c’est aussi « renoncer sans la renier » – « c’est tellement profondément ancré en nous » – à une partie de leur « double culture », témoigne Denys T., 42 ans, un avocat ukrainien installé en France depuis vingt ans. « Dans la réalité, c’est un déchirement pour nous, beaucoup d’entre nous sont entre deux, ma femme est russe, mes enfants vont à l’école russe, je maîtrise le russe mieux que l’ukrainien, alors la seule façon de ne pas trop souffrir de cette situation, c’est de me dire que je ressens de la haine envers le régime de Poutine, mais pas envers la Russie ni envers les Russes », explique-t-il.

Reste que si un seul de ses clients de nationalité russe, de riches investisseurs dans l’immobilier, laisse entrevoir une forme quelconque de soutien à Vladimir Poutine ou à l’offensive russe en Ukraine, « ce sera fini, terminé, je ne travaillerai plus avec eux, je ne suis pas pris à la gorge, je peux choisir ». Jusqu’à présent, précise-t-il, ceux-ci demandent régulièrement des nouvelles de sa famille en Ukraine.

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