Olga Bronnikova, enseignante et chercheuse en sociologie à l’université Grenoble-Alpes et membre du collectif de recherche « Les résistants du Net, critique et évasion face à la coercition numérique en Russie », estime que les restrictions imposées depuis le 25 février par Moscou sur les services en ligne, notamment américains, et la récente loi punissant de quinze ans de prison les « fausses informations » sur la guerre en Ukraine, marquent un tournant dans le verrouillage du Web et du paysage médiatique dans le pays.
Quelles sont les conséquences du blocage de Facebook et Twitter en Russie, décidé, vendredi 4 mars, par Moscou ?
Les conséquences sont terribles pour les personnes qui s’informent par ces réseaux sociaux. Ces plates-formes sont réputées pour être assez politisées ; elles sont notamment utilisées par des citoyens critiques du pouvoir en place en Russie. Depuis que le régulateur des télécommunications russe a prononcé des premières sanctions contre Facebook il y a une semaine, mes contacts m’ont relaté que l’accès au service était déjà ralenti. La restriction était variable en fonction des opérateurs télécoms, mais les utilisateurs n’arrivaient généralement plus à voir les images et les vidéos.
Quel était l’usage en Russie des plates-formes américaines Facebook, Twitter ou YouTube ?
Contrairement à d’autres marchés, Facebook, Twitter, Google ou sa filiale YouTube avaient, à leur arrivée en Russie, à partir de 2005, de gros concurrents locaux très populaires : Yandex, VKontakte… Contrairement au Web chinois, le Web russe a été construit de façon assez décentralisée, avec des centaines de fournisseurs d’accès indépendants. Mais avec l’emprise progressive des autorités russes sur Internet, à partir de 2011-2012, les plates-formes étrangères ont rencontré un certain succès. Elles étaient réputées plutôt plus sécurisées et libres que les services russes.
Facebook était pour certains citoyens russes un moyen d’accéder à de l’information et de s’organiser. YouTube, qui n’est pas bloqué à ce stade, était un lieu d’hébergement de chaînes et de médias indépendants et de blogueurs politisés. Son blocage par le régime pourrait être plus sensible et encore moins bien perçu par l’opinion que celui de Facebook.
Le Web et le paysage médiatique russes sont-ils désormais complètement verrouillés ?
Malheureusement, oui. Ils sont en train d’être verrouillés. Avec des collègues, nous nous sommes toujours opposés ces dernières années à cette idée. Nous nous sommes intéressés à la façon dont les citoyens russes contournaient, au moins en partie, les restrictions pour se mobiliser. Mais là, en dix jours, les contraintes sont devenues beaucoup trop lourdes.
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