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Odessa s’attend à une « guerre fratricide »

Par Emmanuel Grynszpan

Publié aujourd’hui à 11h16

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FactuelPlace stratégique de l’Ukraine à travers ses terminaux d’où s’exportent les céréales ukrainiennes, la grande ville sur la mer Noire s’attend au pire. Vladimir Poutine a promis de « punir » la ville, théâtre de violents affrontements en 2014.

De capitale du rire, Odessa est devenue celle de la fureur. Chère au cœur des Russes, et plus largement du monde russophone, cette ville fondée en 1794 par l’impératrice Catherine II séduit par ses plages de sable, sa splendide architecture franco-italienne, son brassage unique de cultures méditerranéenne, juive et slave, son quartier festif Arcadia et son incomparable festival de l’humour.

Mais aujourd’hui, Odessa la russophone attend les armes à la main l’avancée de l’impérialisme russe. Partout en ville, des affiches, des pancartes, des panneaux de signalisation intiment à l’envahisseur russe d’« aller se faire f…  », qu’il vienne en croiseur, en bombardier ou en char. Une touche d’humour grinçant, outrageusement grossier, sur un bloc de colère froide.

Au siège de Roukh Oporou, organisation d’autodéfense à Odessa, le 4 mars.  Un volontaire met le brassard jaune, signe de reconnaissance, à un autre bénévole. LAURENCE GEAI/MYOP POUR « LE MONDE »

Au neuvième jour de guerre, l’offensive terrestre russe n’est plus qu’à 150 km. D’intimidantes frégates croisent au large, guettées sur la berge par les promeneurs. Avions de combat et drones ennemis ont fait de timides apparitions dans le ciel, repoussés par les tirs des défenses aériennes qui troublent le calme apparent. Une poignée de missiles se sont écrasés sur des objectifs militaires, ratant tous ou presque leurs cibles. En comparaison de Kiev, Marioupol et Kharkiv, la troisième ville du pays reste largement épargnée par le feu des canons russes.

De nombreux habitants ont fui

Le gros million d’habitants sait que son tour viendra. Odessa est un port irremplaçable pour l’Ukraine. A travers ses terminaux s’exportent les céréales ukrainiennes récoltées sur les riches « terres noires », qui constituent une forte concurrence aux céréales russes. C’est aussi le point d’entrée principal du pétrole, dont des régions entières souffrent déjà d’un terrible déficit.

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Un grand nombre de personnes a déjà fui vers le nord-ouest du pays, la Moldavie et la Roumanie. Nul ne sait combien, pas même le maire de la ville, Guennadi Troukhanov. « Je pense qu’il est préférable pour Odessa que les habitants restent et défendent leur ville », dit-il au Monde. L’élu insiste sur les efforts déployés par l’équipe municipale pour assurer la sécurité des administrés. Un mois de vivres en cas de siège, 353 abris certifiés anti-bombardements et 600 abris simples.

Le maire d’Odessa, Guennadi Troukhanov, le 4 mars. LAURENCE GEAI/MYOP POUR « LE MONDE » Des sacs de sable ont été mis devant le QG de « Roukh Oporou » (résistance), à Odessa, en Ukraine, Odessa, le 4 mars. LAURENCE GEAI/MYOP POUR « LE MONDE »

« Poutine prétend qu’il s’agit d’une opération de maintien de la paix, alors qu’il s’agit d’une véritable guerre », poursuit le maire. « Une guerre fratricide, faite de bombardements de villes, d’hôpitaux et d’écoles », dit encore cet ancien capitaine d’artillerie de 57 ans au physique sportif. Guennadi Troukhanov a été élu en mai 2014 sur un programme prônant le rapprochement avec Moscou. « 70 % des Odessites étaient alors prorusses. Nous avons travaillé à changer cet état d’esprit. Aujourd’hui, les prorusses représentent moins de 15 %. Ce sont des personnes âgées, formatées à l’époque soviétique et qu’on ne changera pas. »

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