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Guerre en Ukraine : « Au sein de l’Europe, la politique des nouveaux gazoducs a créé beaucoup de tensions »

Helen Thompson. CHARLOTTE GRIFFITHS

Helen Thompson, professeure d’économie politique à l’université de Cambridge, vient de publier un livre passionnant (Disorder : Hard Times in the 21st Century, Oxford University Press, 2022, non traduit), éclairant les turbulences politiques actuelles à la lumière de trois histoires parallèles : celles de l’énergie, de l’économie (en particulier les questions monétaires), et des démocraties. Elle revient sur la façon dont la dépendance européenne à l’énergie russe s’est construite depuis un siècle.

Votre livre commence à la fin du XIXe siècle. L’ère du charbon se termine, celle du pétrole commence. Quel est l’impact pour l’Europe ?

La Grande-Bretagne aurait difficilement pu être la puissance qu’elle était au XIXe siècle sans le charbon, qui a permis l’industrialisation. Mais elle n’avait pas de pétrole. Idem en France et dans le reste de l’Europe. En revanche, les Etats-Unis en avaient. Quand, dans les cercles gouvernementaux européens, on a compris que le monde était en train de changer, la montée en puissance des Etats-Unis a fait naître une profonde crainte. Winston Churchill (député à partir de 1901) en particulier était obsédé par l’idée de faire passer la marine britannique du charbon au pétrole. Il s’est dit qu’il lui fallait trouver un approvisionnement au Moyen-Orient, en particulier du côté de la Perse, où du pétrole avait été découvert en 1888. Il pense alors que quiconque contrôlera le Moyen-Orient sera la puissance européenne capable de rivaliser avec les États-Unis.

A quel moment le pétrole russe est-il arrivé ?

Dès la première décennie du XXe siècle, la Russie devient le plus grand producteur de pétrole au monde, mais à cause des conflits dans la Russie tsariste, la production ralentit. L’Europe veut se diversifier des États-Unis. Mais l’approvisionnement en Iran, par exemple, n’est pas aussi important que les Britanniques et les Français l’espéraient. Aussi, lorsque Staline relance l’industrie pétrolière, tous les pays européens se tournent-ils vers l’achat de pétrole soviétique, à la fin des années 1920 et dans les années 1930.

Mais après la fin de la seconde guerre mondiale, l’administration américaine de Harry Truman n’y est pas favorable. Elle veut que les Européens achètent du pétrole venant de l’hémisphère occidental : Etats-Unis, Mexique, Venezuela… Pour les Européens, la seule alternative qui reste est le Moyen-Orient avec, en cas de crise, les Américains, qui sont le fournisseur en dernier ressort.

Mais le fiasco de la crise de Suez en 1956, avec la tentative échouée de la France et du Royaume-Uni de prendre le contrôle de ce couloir indispensable au transport du pétrole, survient…

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