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« En 1973, la crise pétrolière a eu lieu bien avant le déclenchement de la guerre du Kippour »

Tribune. L’invasion de l’Ukraine, avec ses conséquences actuelles et potentielles sur les prix de l’énergie, est souvent assimilée à la guerre du Kippour d’octobre 1973 et à la « crise du pétrole » qui en aurait résulté.

En réalité, la crise pétrolière de 1973 a lieu bien avant le déclenchement de cette guerre. L’OPEP avait déjà multiplié ses prix par deux entre janvier et septembre 1973. Le conflit est prétexte à un embargo pétrolier, qui durera jusqu’en mars 1974, et à une spectaculaire envolée des prix du brut imposée par l’OPEP. Même sans la guerre, le quintuplement des prix du brut aurait été atteint dès la mi-1974.

Car le catalyseur de cette crise est d’abord la soif effrénée de croissance économique des pays riches, assouvie par une consommation énergétique toujours plus abondante. C’est seulement au début de l’année 1973 que les dirigeants américains évoquent le besoin impérieux d’économies d’énergie, une expression quasiment absente du discours politique jusque-là. Pourtant, les Etats-Unis ont atteint le pic de production de pétrole conventionnel dès la fin 1970. Il faut importer de plus en plus de brut du Moyen-Orient, dont le fret est de plus en plus cher et dont les prix (fixés par l’OPEP) sont de plus en plus élevés. L’année 1973 sonne le glas du pétrole abondant et bon marché.

Pour autant, ce sont bien l’embargo de 1973 et la spectaculaire hausse des prix qui envoient un signal politique fort et clair. Les pays de l’OCDE doivent déployer des plans de rationnement sans précédent en temps de paix : restrictions d’approvisionnement de l’industrie (Royaume-Uni) ; fermeture de stations-service ; limitations de vitesse sur les autoroutes ; normes de température dans les bâtiments publics (20 °C en France) ; sensibilisation de l’opinion (la « chasse au gaspi ») ; interdiction de l’éclairage des bureaux et des enseignes lumineuses après 22 heures (France) ; arrêt des émissions télévisées à 23 heures (France) ; interdiction de circuler le dimanche (Suisse).

Ces mesures visent à « dépétroler » (et non à décarboner) massivement l’économie, inversant la transition vers le tout-pétrole des « trente glorieuses ». La crise révèle la vulnérabilité de secteurs entiers aux hydrocarbures, en particulier l’agriculture, du fait du machinisme agricole (pétrole) et des engrais (gaz naturel).

Le triomphe du marché

Le développement de sources d’énergie alternatives exige d’énormes dépenses en capital, du temps, de la recherche et développement, et un effort important de formation. En France, le nucléaire – préparé par le Plan depuis l’époque gaulliste – se déploie alors à grande vitesse, permettant un recul spectaculaire de la consommation de fioul pour la production d’électricité. Si la transformation du charbon en pétrole – utilisée par l’Allemagne nazie – s’avère trop peu rentable, l’extraction de gaz de schiste est envisagée dès la fin des années 1960 aux Etats-Unis. Les recherches sur la fracturation (par explosion nucléaire souterraine, par explosif conventionnel ou par injection hydraulique) déboucheront, en 2010, sur le « miracle » américain du gaz – puis du pétrole – de schiste.

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