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Patrick Chauvel : « Journaliste de bataille, c’est ma vie »

Par Michel Guerrin

Publié aujourd’hui à 05h38

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EntretienA 72 ans, le photoreporter couvre la guerre en Ukraine pour « Paris Match ». Dans un entretien au « Monde », il détaille les évolutions du métier de photographe de guerre sur les cinquante dernières années.

A 19 ans, Patrick Chauvel a photographié la guerre du Vietnam. A 72 ans, il est en Ukraine. Entre-temps, le photoreporter, également auteur de quatre livres et de nombreux films documentaires, a couvert trente-cinq conflits. Nul autre que lui n’a une telle longévité. Son travail s’étale dans un album que publie Reporters sans frontières, 100 photos pour la liberté de la presse. Il nous a accordé cet entretien quelques jours avant son départ pour Kiev.

David, 21 ans, programmateur informatique et Olga, 19 ans, étudiante en informatique, le long du fleuve Dniepr, à Kiev, le 22 février 2022. PATRICK CHAUVEL

Pourquoi, à 72 ans, partir en Ukraine ?

Si j’étais resté à Paris au moment où les Russes déclenchaient une guerre, je serais devenu fou. Je n’allais pas tailler mes rosiers… Je suis photographe pour vivre l’histoire et essayer de la comprendre. Et ensuite pour essayer de la restituer en images. Journaliste de bataille, c’est ma vie. Etre au plus près des événements, car le photographe est contraint de voir. Or je pense qu’on n’a jamais été aussi proche d’une troisième guerre mondiale. S’il vaut mieux être jeune pour ce métier et si, devant mon mal au dos, mon médecin me lance : « Ça s’appelle la vieillesse, ça ne dure pas longtemps », je m’étonne que certains confrères me demandent : « Oh, tu bosses encore ? » Comme si je sortais d’un cercueil.

Vous leur répondez quoi ?

Que je les emmerderai jusqu’au bout.

D’où vient ce virus ?

A 18 ans, en 1967, je m’engage dans un kibboutz, en Israël, pour ramasser des oranges avec l’intention, si la guerre des Six-Jours survient avec l’Egypte, de faire le mur pour prendre des photos. Le résultat est lamentable. Je ne vois rien, sauf mon premier mort. Je fais la tournée des hôpitaux, où je fais rire les blessés en imitant Louis de Funès, et je flirte avec une lieutenante israélienne. Pourtant, ma conviction est faite. L’année suivante, je suis au Vietnam. J’aime alors tellement ce métier que je suis sidéré qu’on me paie pour ça.

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Vous arrivez en Ukraine le 19 février, quand d’autres journalistes y sont depuis plusieurs semaines. Pourquoi ?

Etre le premier ne veut rien dire pour un photographe. Seul compte ce qu’il rapporte. C’est peut-être injuste, mais la qualité du travail n’est pas liée à la mémoire du photographe sur le terrain. Il y a la vérité de l’image, point. Et puis, l’Ukraine, avant la guerre russe, était un Disneyland journalistique. Je ne voyais pas l’intérêt de montrer des soldats faisant le « V » de la victoire. Pour un jeune reporter, en revanche, vivre pendant un ou deux ans dans un pays stratégique donne un avantage situationnel précieux, d’autant que les médias s’intéressent bien plus à un photographe pour l’endroit où il se trouve que pour l’étendue de son CV.

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