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« Kombinat », ou la poésie des hauts fourneaux de l’Oural

URBAN DISTRIBUTION

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Les fumées comme horizon. Les hauts-fourneaux et les cheminées d’usine comme repères urbains. La fierté ouvrière en bandoulière. Kombinat, c’est le Magnitogorski metalourguitcheski kombinat, « MMK » de son nom d’usage, la gigantesque usine métallurgique de Magnitogorsk, ville mono-industrielle de l’Oural. « MMK » s’affiche partout, jusque sur les panneaux qui, à chaque coin de rue, enjoignent aux passants la « bonne humeur ». Parfum de soviétisme ? Résolument, pour le meilleur et pour le pire. Et c’est bien ce clair-obscur qui fait la force du film de Gabriel Tejedor, Kombinat, présenté en novembre 2020 au Festival international Jean Rouch.

Le réalisateur, qui poursuit son exploration des résidus de l’empire soviétique entamée il y a des années (Rue Mayskaya, La Trace), a filmé sur plusieurs saisons la vie du kombinat et de certains de ses serviteurs – métallos qui parlent à cœur ouvert de leurs joies et de leurs angoisses.

Il faut être sensible à la poésie des hauts-fourneaux et à celle des tramways aux couleurs pastel pour apprécier réellement ce film très contemplatif. Ou vouloir ressentir la nostalgie d’un monde ouvrier qui, chez nous, a largement disparu… On ne vit ni bien ni mal à Magnitogorsk. C’est la vie russe dans sa plus grande banalité. Les enfants jouent au hockey sur glace en bas des tours ; l’été, on les emmène se promener au bord du lac, on assiste à des concerts patriotiques et on partage des brochettes dans la douceur du soir.

L’écologie : une angoisse sourde

On travaille aussi, surtout. Comme ce métallo qui rentre chez lui, las, avale sa soupe et se remet d’aplomb en citant un vieux slogan soviétique : « Aller au travail avec joie, en revenir avec fierté. » Puis il file à son cours de danse latino, son visage s’illumine de vie. Il y a, certes, la fierté de tirer chaque jour des entrailles de l’usine des tonnes d’acier brûlant, on comprend que Sacha vibre d’abord pour son spectacle de fin d’année…

Cette intrigue inattendue n’est pas la seule collision qui fait le sel du film et dessine la réalité de la Magnitogorsk moderne. Ainsi de cette célébration organisée par l’usine en l’honneur des métallos. Un enfant en chemise de pionnier y clame sa détermination à suivre la voie de ses pères, pendant que, sous l’écran, un danseur fait une démonstration de breakdance.

Une angoisse sourde – et nouvelle – traverse la ville : l’écologie. Magnitogorsk, noyée dans les fumées, est l’une des villes les plus polluées de Russie. « On a envie de vivre vieux, ce n’est pas possible ici », dit un couple qui voudrait partir pour Novossibirsk. Leur inquiétude concerne surtout leur fille, qui souffre de retards de développement. Les médecins disent : « Eh oui, c’est comme ça ici… »

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