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A Sao Paulo, les graffitis géants ont gagné le cœur des habitants

LETTRE DE SAO PAULO

Vue de la murale « Coexistence » de l’artiste brésilien Eduardo Kobra, à Sao Paulo, au Brésil, le 15 février 2022. NELSON ALMEIDA / AFP

Kleber Pagu sort de l’ascenseur et monte les derniers escaliers pour accéder au toit de l’immeuble. Déjà équipé de son baudrier, Mauro Neri révise le croquis de son œuvre : « Je me suis inspiré du dessin d’un enfant noir de l’artiste Kadir Nelson. J’ai ajouté une bombe de peinture dans ses mains et le mot “Justice” sur son visage. »

Kleber Pagu va voir les propriétaires de l’édifice en tant que producteur du graffiti. Il veut s’assurer que tout va bien : « Ils sont contents, mais ce n’est pas toujours le cas. » Mauro Neri escalade la balustrade « sans jamais regarder en bas », et la poulie le descend tout doucement. L’œuvre Justice, vies orne désormais un mur d’un édifice de huit étages de la rue Augusta, à 50 mètres des collages de Luis Bueno sur deux murs de 490 mètres carrés d’un immeuble de 13 étages.

Ces œuvres géantes se sont multipliées pendant la pandémie de Covid-19 et font de Sao Paulo une ville qui se visite désormais les yeux en l’air. Le dimanche, le viaduc Minhocao devient piétonnier et il est tant apprécié pour cet espace gagné sur les voitures que pour ces graffitis. « J’étais peu sensible à cet art mais je dois reconnaître aujourd’hui qu’il embellit vraiment la ville », considère Roberto da Vila. Ce retraité admire l’œuvre de Robinho Santana Algo sobre nos qui mêle le graffiti et le pichaçao, un tag très graphique, fait de lettres et de symboles, et qui est toujours considéré comme un crime.

Même si le pichaçao a toujours mauvaise presse, les graffitis ont gagné le cœur des Paulistes. Un nouveau projet de loi présenté par la gauche propose de faire de la ville une « galerie d’art à ciel ouvert » en sanctuarisant 30 lieux déjà emblématiques du graffiti et en valorisant l’art urbain.

« Offrir une protection aux œuvres »

« L’idée est de faciliter la production de ces œuvres et leur offrir une protection. L’art doit être accessible à ceux qui ne vont jamais au musée. Mais on ne veut pas que la culture se limite aux murs : ces 30 lieux deviendraient des espaces libres pour l’art et la performance », explique Kleber Pagu qui a conçu ce projet de loi avec son épouse, la danseuse Fernanda Bueno. Le conseiller municipal Toninho Vespoli, auteur de la loi, se dit aujourd’hui « certain de son adoption au conseil municipal. Il y a un consensus aujourd’hui sur les bénéfices du graffiti pour Sao Paulo ».

Du côté de l’adjointe à la culture, le discours est tout aussi bienveillant : « Bien sûr que nous y sommes favorables, le graffiti est l’identité même de Sao Paulo, et nous le soutenons. » Aline Torres cite les réalisations financées par la mairie : d’abord le Musée d’art de rue, créé en 2017 et qui compte 237 œuvres dont celles de Mauro Neri, Luis Bueno et Robinho Santana. La plate-forme du musée permet de les visualiser en 360 degrés sans sortir de chez soi. Et cette année, le service culturel projette de « graffiter » une trentaine de tunnels.

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