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Les ambitions contrariées de la directive européenne sur le devoir de vigilance

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen et le commissaire européen à la justice, Didier Reynders, avant la réunion hebdomadaire du collège de la Commission européenne à Bruxelles, le 23 février 2022. OLIVIER HOSLET/AFP

« Cela a été un long parcours », lance Didier Reynders, le commissaire européen à la justice. Voilà deux ans que la Commission européenne travaille à un projet de directive sur la gouvernance d’entreprise durable – un texte qui a pour objectif de contraindre les entreprises à mieux prévenir les violations des droits de l’homme et les préjudices environnementaux tout au long de leur chaîne d’approvisionnement – et la présentation en a été à plusieurs reprises repoussée. Mercredi 23 février, l’exécutif communautaire a enfin dévoilé sa proposition législative.

Elle introduit un devoir de vigilance pour les entreprises, qui dès lors ne peuvent plus ignorer les risques que leurs pratiques, celles de leurs filiales, de leurs fournisseurs, et des fournisseurs de leurs fournisseurs font peser sur les droits de l’homme – travail des enfants, travail forcé… – et l’environnement. Objectif : éviter des drames comme celui du Rana Plaza, cet immeuble de huit étages situé à Dacca, au Bangladesh, qui abritait six usines de confection de vêtements travaillant, en bout de chaîne, pour des enseignes comme Mango et Primark et dont l’effondrement, en avril 2013, provoqua le décès de plus de 1 100 ouvriers et ouvrières du textile. Et si, malgré tout, cela ne suffisait pas, permettre aux victimes d’obtenir des réparations en Europe, auprès des donneurs d’ordre, qui se cachent souvent derrière une chaîne de fournisseurs dont ils peuvent ignorer jusqu’à l’existence.

Lobbying intense

Dans ce contexte, lorsqu’elle a évoqué son projet de légiférer sur ce sujet, dès le début de 2020, la Commission s’est vite trouvée prise entre deux feux : d’un côté, les organisations patronales, désireuses de limiter au maximum les nouvelles contraintes qu’un tel texte pourrait faire peser sur leurs membres, de l’autre, les ONG, militant pour une directive la plus ambitieuse possible. Didier Reynders ne s’en cache pas, il a subi un lobbying intense de ces différents acteurs.

Dès lors qu’elles travaillent pour des entreprises plus importantes, les PME seront mécaniquement affectées par le texte à venir

En juin 2021, Thierry Breton, le commissaire au marché intérieur, s’est vu confier la tâche d’aider son collègue belge à avancer, ce dont se sont, à l’époque, félicités les milieux économiques. Mais, après tout, le projet de directive sur le devoir de vigilance est aussi une manière d’éviter une « fragmentation » du marché intérieur, comme le dit le Français. Paris et Berlin ont déjà adopté des législations nationales sur cette thématique, qui ne portent pas le même niveau d’ambition – la loi hexagonale, adoptée en 2017, va plus loin que son homologue allemande, en vigueur depuis l’été dernier −, quand d’autres Etats membres y songent, notamment les pays du Benelux. « La fragmentation des règles nationales ralentit les progrès dans l’apprentissage des bonnes pratiques », juge Thierry Breton.

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