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Credit Suisse : les obscures affaires du roi Abdallah II de Jordanie

Par Le Monde

Publié aujourd’hui à 19h23

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Enquête« Suisse Secrets » | Le souverain hachémite a placé au moins 200 millions d’euros chez Credit Suisse. Sa fortune reste sans rapport avec l’héritage reçu de son père et contraste avec la paupérisation de la société jordanienne.

Le roi Abdallah II de Jordanie aime les placements discrets. A l’automne 2021, le scandale des « Pandora Papers », une gigantesque fuite de documents émanant de cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore, avait révélé que le monarque possédait quatorze résidences de luxe, éparpillées entre Londres, Washington et Malibu, en Californie. Des propriétés d’une valeur de 106 millions de dollars (93 millions d’euros), dissimulées derrière un entrelacs de sociétés-écrans.

Mais cet empire immobilier ne constitue qu’une partie de la fortune cachée du souverain jordanien, âgé de 60 ans et au pouvoir depuis 1999. L’enquête « Suisse Secrets », coordonnée par l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), et à laquelle Le Monde et 47 autres médias du monde entier ont participé, montre que, durant la dernière décennie, le roi Abdallah II a abrité au moins 200 millions d’euros chez Credit Suisse, un prestigieux établissement financier helvétique frappé depuis des années par des scandales à répétition.

« Suisse Secrets » est une enquête collaborative basée sur la fuite d’informations issues de plus de 18 000 comptes bancaires administrés par Credit Suisse depuis les années 1940 jusqu’à la fin des années 2010. Ces données ont été transmises par une source anonyme, il y a un peu plus d’un an, au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, qui les a partagées avec quarante-sept médias internationaux, dont Le Monde et le consortium d’investigation Organized Crime and Corruption Reporting Project ou OCCRP.

Ces données ont été passées au peigne fin par 152 journalistes issus de trente-neuf pays. Ceux-ci ont, en outre, interrogé d’anciens responsables de la banque, ainsi que des régulateurs et des magistrats anticorruption, et analysé de multiples dossiers judiciaires et déclarations financières. La personne à l’origine de cette fuite a tenu à conserver l’anonymat, mais a accepté d’expliquer sa motivation : dénoncer les effets du secret bancaire suisse sur la communauté internationale. Selon cette source anonyme, « le prétexte de la protection de la confidentialité financière n’est qu’une feuille de vigne couvrant le rôle honteux des banques suisses en tant que collaboratrices des fraudeurs fiscaux ».

Les données bancaires confidentielles auxquelles les médias partenaires de l’enquête ont eu accès font apparaître qu’entre 2008 et 2014 l’occupant du trône hachémite a ouvert au moins six comptes administrés par cette banque. Faute de visibilité sur d’éventuels mouvements de compte à compte, il n’est pas possible de se prononcer sur le montant maximum que ces dépôts, additionnés les uns aux autres, ont atteint.

L’estimation la plus prudente, basée sur le compte le plus richement doté, est de 230 millions de francs suisses (212 millions d’euros). Si cinq de ces comptes ont été fermés entre 2013 et 2019, le dernier est toujours actif. La reine Rania de Jordanie, épouse d’Abdallah II, a également disposé d’un compte auprès de Credit Suisse, dont le montant des dépôts a culminé, en 2013, à 39 millions de francs suisses (32 millions d’euros), avant d’être fermé en 2016. Si l’on ajoute à ces sommes les 106 millions des « Pandora Papers », le total des avoirs amassés par le couple royal durant la dernière décennie grimpe à 337 millions d’euros au moins.

Lire l’enquête : Article réservé à nos abonnés « Pandora Papers » : du roi Abdallah II à Tony Blair, des dizaines de dirigeants politiques éclaboussés par le scandale

Des dettes héritées de son père

Le roi et la reine de Jordanie ont reconnu l’existence de ces comptes chez Credit Suisse par le biais du cabinet d’avocats international DLA Piper, chargé de répondre aux questions transmises par notre consortium au palais royal. En revanche, ils affirment que certains des soldes, tels qu’ils apparaissent sur les données en notre possession, « sont inexacts et/ou exagérés », notamment le montant du compte de la reine Rania.

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