France World

Credit Suisse : au Kazakhstan, la fortune offshore du président qui se voulait chevalier blanc

Par Le Monde

Publié aujourd’hui à 04h51, mis à jour à 06h00

Réservé à nos abonnés

Enquête« Suisse Secrets » | Kassym-Jomart Tokaïev, qui a vilipendé en janvier l’enrichissement des oligarques proches de son prédécesseur, possède d’importants fonds à l’étranger, soigneusement dissimulés jusqu’à ce jour.

Désavouer son mentor pour apaiser la foule en colère. Tel est l’exercice acrobatique auquel a dû se livrer Kassym-Jomart Tokaïev au mois de janvier après la violente répression du soulèvement populaire contre les inégalités au Kazakhstan. « Un groupe d’entreprises très rentables est apparu dans le pays, de même qu’un groupe d’individus fortunés ; je pense qu’il est temps de rembourser le peuple du Kazakhstan de manière systématique et régulière », a déclaré le président kazakh, le 11 janvier, dans une adresse à la nation, en ciblant de façon inédite son prédécesseur Noursoultan Nazarbaïev (1990-2019) et les oligarques qui lui sont proches, accusés de s’être enrichis sur le dos du peuple.

Ce discours de chevalier blanc vient aujourd’hui se heurter à l’enquête internationale « Suisse Secrets », qui révèle que M. Tokaïev possède lui-même d’importantes richesses à l’étranger, soigneusement dissimulées jusqu’à aujourd’hui.

« Suisse Secrets » est une enquête collaborative basée sur la fuite d’informations issues de plus de 18 000 comptes bancaires administrés par Credit Suisse depuis les années 1940 jusqu’à la fin des années 2010. Ces données ont été transmises par une source anonyme, il y a un peu plus d’un an, au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, qui les a partagées avec quarante-sept médias internationaux, dont Le Monde et le consortium d’investigation Organized Crime and Corruption Reporting Project ou OCCRP.

Ces données ont été passées au peigne fin par 152 journalistes issus de trente-neuf pays. Ceux-ci ont, en outre, interrogé d’anciens responsables de la banque, ainsi que des régulateurs et des magistrats anticorruption, et analysé de multiples dossiers judiciaires et déclarations financières. La personne à l’origine de cette fuite a tenu à conserver l’anonymat, mais a accepté d’expliquer sa motivation : dénoncer les effets du secret bancaire suisse sur la communauté internationale. Selon cette source anonyme, « le prétexte de la protection de la confidentialité financière n’est qu’une feuille de vigne couvrant le rôle honteux des banques suisses en tant que collaboratrices des fraudeurs fiscaux ».

En 1998, alors qu’il n’est encore qu’un apparatchik sous les ordres du président Nazarbaïev, Kassym-Jomart Tokaïev fait ouvrir un compte chez Credit Suisse au nom de son épouse et de son fils, alors âgé de 14 ans. Les données confidentielles de la banque obtenues par nos confrères de la Süddeutsche Zeitung ne permettent pas de connaître le montant total des flux financiers qui ont transité sur ce compte. Mais elles révèlent qu’il a abrité jusqu’à 1,5 million de francs suisses (987 000 euros) en 2005, au moment où M. Tokaïev était à la tête du ministère des affaires étrangères.

Deux sociétés offshore aux îles Vierges britanniques

En se replongeant dans les « Pandora Papers », une précédente fuite de données provenant de cabinets de conseil offshore obtenue par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), Le Monde et ses partenaires ont découvert que l’appétit de la famille Tokaïev pour les places financières discrètes ne s’est pas cantonné à la Suisse.

Six mois après la fermeture de leur compte, en septembre 2011, M. Tokaïev et sa famille ont en effet immatriculé Wisdom Invest & Finance et Wishing Well Group, deux sociétés offshore installées dans le paradis fiscal opaque des îles Vierges britanniques et gérées par un cabinet d’avocats chypriote. D’après les documents de l’ICIJ, chacune détenait un compte dans une banque suisse différente : Notenstein Privatbank pour la première et Julius Baer pour la seconde. On ignore quels fonds ces comptes détenaient.

Dissimulée derrière le paravent de ces sociétés offshore, la famille Tokaïev a également discrètement monté une société au Royaume-Uni, baptisée Edelweiss Resources LLP. Elle détenait en 2014 plus de 5,1 millions de livres sterling (6,1 millions d’euros), principalement en avoirs bancaires, à en croire ses comptes.

Il vous reste 32.87% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source

L’article Credit Suisse : au Kazakhstan, la fortune offshore du président qui se voulait chevalier blanc est apparu en premier sur zimo news.