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Varsovie, Vilnius, Kiev, capitales des Biélorusses en exil

Par Thomas d’Istria

Publié hier à 16h09, mis à jour hier à 18h18

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ReportageAprès le soulèvement populaire déclenché par la réélection contestée, le 9 août 2020, du président Alexandre Loukachenko, des dizaines de milliers de Biélorusses ont fui leur pays en catastrophe et tentent tant bien que mal de poursuivre la lutte contre le régime.

C’est comme si elle s’en voulait d’être là, attablée dans ce café du centre-ville de Varsovie, plutôt qu’aux côtés de ses camarades, en Biélorussie. Quand on lutte contre le régime d’Alexandre Loukachenko, répète Olga (un nom d’emprunt pour protéger sa famille), « il n’y a que deux options : la prison ou la fuite. Les gens ne quittent pas ce pays pour une vie plus agréable. Ils sont obligés de partir ». Dans ses mots perce la tristesse d’avoir laissé derrière elle ses proches, et ceux de son réseau d’opposition aujourd’hui prisonniers politiques.

Plutôt que son périple à travers les épaisses forêts russes et ukrainiennes pour arriver en Pologne, Olga insiste sur le fol espoir qui l’avait animée, comme tant d’autres Biélorusses avec elle, au printemps 2020 : dégager par les urnes l’indétrônable chef de l’Etat, au pouvoir depuis 1994. Jamais, dans l’histoire de cette ex-République soviétique de 10 millions d’habitants, des candidats de l’opposition n’avaient soulevé un tel engouement. Le 9 août 2020, les résultats de l’élection présidentielle, donnant Loukachenko vainqueur à 80 %, n’avaient pas éteint l’optimisme populaire. Avec l’avènement d’un mouvement de contestation, inédit par son ampleur, avaient éclos le rouge et le blanc, couleurs de l’opposition, dans les rues de Minsk et partout dans le pays. Puis la machine répressive du régime s’est mise en marche, sans pitié, emprisonnant en masse.

Des drapeaux à la sauvette

« La propagande disait que les manifestants n’étaient que des alcooliques, des drogués, des prostituées. Alors on manifestait en famille pour montrer qu’on était des citoyens ordinaires », raconte Olga. Au sein d’un réseau de quartier de sa ville, à Vitebsk, non loin de la frontière russe, la jeune trentenaire, mère de famille, organisait des cagnottes destinées aux familles de détenus. Et avait porté haut les couleurs du changement, en allant planter des drapeaux à la sauvette et couvrir les murs de slogans et de symboles contestataires.

« Violetta » était observatrice lors de l’élection présidentielle biélorusse d’août 2020, avant d’avoir été mise à la porte pour avoir dénoncé des cas de fraudes. Aujourd’hui réfugiée politique en Pologne, elle pose ici devant le drapeau du Front populaire biélorusse, un parti d’opposition, à Varsovie, le 4 février. RAFLA MILACH/MAGNUM PHOTOS POUR « LE MONDE »

Ces actes de résistance, d’apparence anodine, sont vite devenus très risqués, passibles de prison. A la fin de l’été 2020, le réseau des « partisans » de Vitebsk – en référence à la résistance biélorusse qui a combattu les nazis durant la seconde guerre mondiale – est tombé après l’arrestation de plusieurs de ses membres, contraints de livrer l’identité de leurs camarades. Olga a été prévenue que les services de sécurité étaient en route pour chez elle. Moins d’une heure plus tard, elle était sur la route avec son fils et quelques affaires rassemblées à la hâte, direction la Pologne, où elle est arrivée un soir de novembre 2021.

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