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Culture : « La présentation des trésors artistiques d’un fasciste implique une confrontation critique »

Tribune. Où sont passés les antifascistes ? L’opinion française, au moins depuis la publication du manifeste de Stéphane Hessel, est généralement prompte à s’indigner. Qu’il s’agisse de dénoncer la dictature sanitaire du gouvernement ou l’hégémonie de la pensée blanche, l’absence de reconnaissance des minorités sexuelles en Pologne ou les aménagements urbains de Paris, l’indignation est devenue en France une habitude, un réflexe, une posture censée nous protéger de cette « indifférence » vue par Stéphane Hessel comme la pire des attitudes.

Au regard de cette tendance, on peut s’étonner de la bienveillance avec laquelle fut accueillie la présentation, en France, des collections d’un des piliers du fascisme italien. Sous le titre « Trésors de Venise, la collection Cini », l’Hôtel de Caumont présente à Aix-en-Provence, du 19 novembre 2021 au 27 mars 2022, plusieurs trésors de la Renaissance italienne – de Fra Angelico à Filippo Lippi, de Cosme Tura à Ercole de Roberti.

Le choix des peintures, issues des collections de la Fondation Cini à Venise, entend représenter l’histoire et le goût de Vittorio Cini, « ferrarais de naissance et vénitien d’adoption », grand industriel et mécène d’exception, présenté dans l’une des salles de l’exposition comme « le dernier des doges ».

La banalisation du passé fasciste de Vittorio Cini

Si la chronologie présentée au début de l’exposition rappelle que Vittorio Cini fut commissaire de l’Exposition universelle de Rome (1942) et participa au dernier gouvernement de Mussolini comme ministre de la communication (février 1943), à aucun moment l’exposition ne fait référence aux crimes du régime dont Vittorio Cini fut l’un des piliers.

Les distances qu’il prend vis-à-vis du régime fasciste « un mois avant sa chute » et le soutien financier qu’il apporte à la résistance à la fin de la guerre ne peuvent pourtant faire oublier son rôle central dans le ralliement du patronat au fascisme italien, ni son encombrante proximité avec le ministre de la propagande du Reich, Joseph Goebbels, qui partage avec lui, selon le catalogue de l’exposition, « les mêmes intérêts culturels ».

Cette banalisation du passé fasciste de Vittorio Cini est emblématique du silence qui permit aux élites fascistes de retrouver après la guerre une position éminente – nourrissant le discours des Brigades rouges, qui assimilaient le capitalisme à un prolongement du fascisme italien.

La restitution des œuvres d’art spoliées

Plus problématique encore, l’exposition s’abstient d’évoquer le caractère douteux de ces acquisitions. Une partie des œuvres présentées à l’Hôtel de Caumont est en effet acquise par Vittorio Cini dans les années 1930 et 1940, à une époque où de nombreuses familles juives d’Europe sont contraintes de se défaire de leurs œuvres d’art. Pourtant, ni le parcours de l’exposition ni son catalogue n’évoquent le moindre travail de recherche sur la provenance des œuvres issues de cette collection.

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