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« Barkhane », défaite d’une utopie politico-militaire

Par Elise Vincent

Publié aujourd’hui à 05h40, mis à jour à 06h34

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DécryptagesAprès neuf ans de lutte contre le djihadisme au Sahel, le chef de l’Etat a annoncé, jeudi 17 février, le retrait de la France du Mali. Retour sur les engrenages qui ont conduit à une situation considérée aujourd’hui par beaucoup d’observateurs comme la fin d’un cycle stratégique.

Il est des défaites plus douloureuses que d’autres, surtout quand il s’agit d’examiner les causes d’un échec au long cours. L’histoire des neuf ans d’engagement de la France au Mali dans le cadre des opérations « Serval » à partir de janvier 2013, puis « Barkhane » à partir d’août 2014, reste encore à écrire. Mais s’il est d’ores et déjà un point de convergence, à écouter les acteurs de terrain et les militaires d’active ou retraités, que Le Monde a pu interroger, c’est que l’annonce du retrait français, jeudi 17 février, par le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, est surtout la fin d’un cycle, la mort d’une utopie politique, diplomatique et militaire.

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Les années ont fini par le faire oublier, mais, à l’origine, « Barkhane » est née d’une victoire. Celle de « Serval », un succès éclair, presque parfait, comme on en apprend sur les bancs de l’école de guerre. On est alors en janvier 2013. Un virulent mouvement djihadiste, greffé sur une rébellion touareg – qu’il finit par supplanter –, a commencé à s’aventurer hors du nord du Mali, où on espérait qu’il resterait cantonné. Lorsque les services français se rendent compte qu’il s’est rapproché de la ville de Mopti, sur un axe qui lui ouvre tout droit les portes de Bamako, décision est prise de l’entraver.

Les troupes françaises de l’opération « Licorne », basée à Abidjan, arrivent sur la 101e base aérienne militaire, près de Bamako, pour renforcer les opérations « Serval », avant leur déploiement dans le nord du Mali, en janvier 2013. ERIC FEFERBERG / AFP

C’est François Hollande, alors chef de l’Etat (2012-2017), qui en endosse la responsabilité. Après avoir traîné des pieds, cherché par tous les moyens des alliés afin de ne pas se retrouver seul dans ce désert malien, il s’est rallié aux plans qui lui ont été soumis. Le constat de l’époque est le suivant. Un : il faut mettre un terme à la coûteuse industrie des otages – douze Occidentaux, dont plusieurs Français, sont alors aux mains de groupes djihadistes. Deux : ce business s’appuie sur une base arrière relativement localisée, l’adrar des Ifoghas, où se préparent des attentats menaçant toute la sous-région : « En deux mois, avec 2 000 hommes et 200 millions d’euros, on estimait que le nettoyage était possible », relate un ancien officier.

Une forme d’euphorie

Or, avec « Serval », « l’utopie opérationnelle », selon les mots de ce même officier, devient réalité. Quelque 6 000 militaires français sont mobilisés. Après l’arrêt de la colonne djihadiste le 11 janvier, la reprise de l’aéroport de Gao quinze jours plus tard et la remontée jusqu’à Kidal, d’un point de vue militaire, la question terroriste au nord apparaît, début avril 2013, comme une affaire temporairement gérée. Des trésors logistiques ont été déployés pour ravitailler en eau sur des distances immenses les soldats engagés qui avaient besoin de 10 à 12 litres chacun par jour. Plus de 600 djihadistes ont été tués, une centaine faits prisonniers. Bref, une bataille à garder dans les annales.

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