France World

En Calabre, dans les pas des « chasseurs » de mafieux

Par Thomas Saintourens

Publié aujourd’hui à 01h03

Réservé à nos abonnés

EnquêteDans le sud de l’Italie, les « boss » sont passés maîtres dans l’art de la cavale, cachés dans des cabanes ou des bunkers suréquipés ; 305 d’entre eux ont été arrêtés en trente ans. Notre reporter a suivi un groupe d’une centaine de carabiniers spécialisés dans cette traque.

L’index sur la détente, les trois carabiniers remontent le lit de cailloux d’un torrent asséché. Voilà plus d’une heure que ces officiers en tenue de camouflage ont quitté la route asphaltée pour crapahuter sur les contreforts du massif de l’Aspromonte, en Calabre. Ils devisent à voix basse, scrutent les vallons plongés dans la brume cotonneuse de ce royaume du silence. Suivant un parcours connu d’eux seuls, ils entament l’ascension d’une colline débordant de buissons et de ronces. Soudain, le chef du groupe se fige. Du bout de son pistolet-mitrailleur Beretta, il désigne un monticule noyé dans les fougères : « C’est ici. »

La cache de Girolamo Facchineri dans les montagnes calabraises entre Cittanova et San Giorgio Morgeto, le 18 janvier 2022. TOMMASO BONAVENTURA POUR « LE MONDE  »

Il faut s’approcher un peu plus, se contorsionner entre les arbustes, et la scène apparaît enfin. Une paire de chaussettes pendue à une cordelette. Un miroir accroché à une planche de bois peinte en vert. Une cuvette de toilettes, une casserole, un flacon de gel douche, un réservoir d’eau de pluie… « Qui voudrait vivre ici ? Même les loups ne viennent pas dans ce coin perdu », grommelle le carabinier.

Un ermite riche à millions

Un homme, pourtant, fit de ce refuge sa forteresse. Durant un an et demi, de l’automne 2016 à mars 2018, Girolamo Facchineri vécut dans cette tanière, coupé du monde. Un bien curieux ermite, riche à millions et poursuivi par la justice pour association mafieuse…

Le quinquagénaire, prévoyant et méticuleux, avait aussi installé des panneaux solaires, ainsi qu’un système d’alarme artisanal, au moyen de fils électriques reliés à un klaxon. Il gardait à portée de main des jumelles à vision nocturne et un pistolet à amorce, utile pour éloigner les bêtes sauvages.

Lire l’enquête : Article réservé à nos abonnés En Italie, la ’Ndrangheta ambitionne de conquérir le monde discrètement

Bientôt quatre ans après l’avoir débusqué, l’unité des carabiniers Faucon 11 patrouille encore dans cette zone escarpée avec une extrême vigilance. La bourgade la plus proche, Cittanova, demeure le fief des Facchineri, l’un des vingt clans mafieux recensés dans la province de Vibo Valentia. Ces terres du cœur de la Calabre, immensités plissées de collines à la beauté austère, sont l’un des berceaux de la ’Ndrangheta, puissante organisation criminelle qui étend son influence sur les cinq continents.

Quelques sachets en plastique transparents jonchent les fourrés : les traces des plats sous vide apportés par les complices du fugitif. C’est en observant les allers-retours de sa compagne que l’équipe Faucon 11, fondue dans le décor, parvint à localiser Facchineri. A l’arrivée des carabiniers, il regardait le journal télévisé de la mi-journée sur son écran de poche. Il n’a opposé aucune résistance.

Il vous reste 87.6% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source

L’article En Calabre, dans les pas des « chasseurs » de mafieux est apparu en premier sur zimo news.