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A Kiev, les souffrances et la détermination d’une mère de soldat ukrainien

Par Emmanuel Grynszpan

Publié aujourd’hui à 05h25, mis à jour à 07h21

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TémoignagesViktoria Godzenko, 58 ans, a déjà perdu son mari dans les combats contre les séparatistes prorusses en 2016. Aujourd’hui, son fils aîné est engagé dans l’armée.

Viktoria Godzenko se tient droite, comme montée sur des ressorts, dans le salon de son modeste trois-pièces non loin du centre de Kiev, lundi 14 février. A 58 ans, elle a conservé un maintien de danseuse, de longs cheveux noirs et une détermination intacte à lutter contre l’envahisseur. La guerre contre la Russie lui a déjà enlevé son mari, tombé au front du Donbass en 2016. Aujourd’hui, c’est son fils aîné qui risque sa vie en première ligne.

« Bien sûr que je souffre comme toute mère sachant son enfant en danger. Il ne me raconte pas en détail ce qu’il fait, il n’est sans doute pas autorisé à le faire, mais je sais qu’il est en première ligne, il voit l’ennemi en face. Je n’ai de vraies discussions avec lui que lorsqu’il rentre en permission. » Viktoria Godzenko attend avec impatience octobre 2022, lorsque prendra fin l’engagement de son fils Alexeï, 30 ans. « il s’est engagé volontairement pour trois ans et – grâce à Dieu – n’a jamais été blessé. Tellement d’amis à lui sont morts… Vous savez, je ne me tords pas les mains en me disant : comment ai-je pu le laisser partir à la guerre ? D’abord, c’est un homme adulte. Ensuite, nous avons élevé nos enfants ainsi. Un malheur est arrivé à notre pays. Il faut résister et se défendre, c’est un devoir. Je ne peux pas demander à mon fils de ne pas défendre son pays ! C’est une question d’honnêteté et de justice. »

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Viktoria Godzenko est née dans l’ouest de l’Ukraine, à Lviv, dans une famille de militaires russophones. Elle s’empresse de préciser que « la langue n’a jamais été un problème, contrairement aux stéréotypes [véhiculés par la propagande de Moscou]. Les russophones ne souffrent d’aucune discrimination. Ma langue maternelle est le russe et je parle parfaitement l’ukrainien. » Lorsque la famille s’installe dans la capitale, Kiev, en 2000, c’est toujours le russe qui est parlé à la maison. « Mais à partir de la révolution orange” [révolte contre la victoire frauduleuse à la présidentielle d’un candidat prorusse en 2004-2005], Alexeï, qui possède une nature de révolutionnaire, décide qu’il ne parlera que l’ukrainien, y compris à la maison. Mais moi, je continue de lui répondre en russe », s’amuse sa mère.

Viktoria Godzenko, le jour de son mariage avec Dmitro Godzenko, mort en 2016 dans les combats contre les séparatistes prorusses. A Kiev, le 14 février 2022. LORENZO MELONI POUR « LE MONDE » Des pages d’un album photos de Viktoria Godzenko, où l’on voit son mari, Dmitro Godzenko, mort en 2016 dans les combats contre les séparatistes prorusses. A Kiev, le 14 février 2022. LORENZO MELONI POUR « LE MONDE »

« Défendre la démocratie »

En 2014, le second sursaut patriotique ukrainien, Maïdan, secoue profondément la famille Godzenko. « Nous avons été choqués de la violence policière contre les jeunes étudiants manifestants. Nous avons interdit à Ivan [le fils cadet, alors âgé de 15 ans] de rejoindre Maïdan, mais mon mari, Alexeï et moi y avons participé, comme la moitié de Kiev. Nous étions convaincus qu’il fallait défendre la démocratie et poursuivre l’intégration de l’Ukraine dans l’Europe. Je ne pouvais pas rester assise à regarder passivement la télévision. »

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